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Le lendemain je reçus la visite du docteur Kirk ; il me félicita vivement, et ne fit aucune allusion à la lettre que je lui avais envoyée la veille. L’évêque Tozer vint aussi me remercier du service que j’avais rendu à Livingstone.

Ce jour-là je libérai mes hommes, dont vingt se rengagèrent immédiatement au service du Grand-Maître, ainsi qu’ils appelaient le docteur.

Outre leur solde, mes gens reçurent chacun une gratification de vingt à cinquante dollars, suivant leurs mérites respectifs. Personne ne fut excepté, pas même Bombay, qui, en dépit de ce qu’il m’avait fait souffrir, eut ses deux cent cinquante francs. C’était l’heure du pardon, le moment d’oublier toute offense, toute rancune. Pauvres gens ! ils avaient agi suivant leur nature ; et depuis notre départ du lac, ils s’étaient tous admirablement conduits.

Lorsque je fus devant une glace, où je me vis des pieds à la tête, je me trouvai terriblement changé. J’étais d’une maigreur excessive ; mes cheveux grisonnaient ; et tout le monde me confirma que j’avais beaucoup vieilli. En me revoyant, le capitaine Fraser pensa que j’étais son aîné ; ce ne fut que quand je lui eus dit mon nom qu’il put me reconnaître ; et il ajouta, en plaisantant, qu’il croyait à une nouvelle affaire Tichborne. Le changement que ces treize mois avaient apporté dans mon extérieur était si grand, que j’en avais presque perdu mon identité.

J’eus également la visite du lieutenant Henn, qui me pria de lui montrer l’ordre que j’avais reçu de Livingstone, relativement aux hommes qui pouvaient lui être expédiés. Voici la copie de cet ordre :

« Ounyanyembé, 14 mars 1872.

« L’emploi d’esclaves dans les caravanes qui m’ont été envoyées par le consul de Sa Majesté, m’a fait subir de telles pertes, que si M. Stanley rencontre à mon adresse une nouvelle bande composée de la même manière, je le prie de la faire retourner sur ses pas ; lui laissant, pour cet objet, toute liberté d’action.

« David Livingstone. »

« Ceci ne nous regarde pas du tout, dit le lieutenant Henn, après avoir lu ce billet.

— Naturellement, répondis-je ; il ne s’agit que des caravanes d’esclaves. Quant à la vôtre, je n’ai pas à m’en occuper. Vous m’a-