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vait pourtant que j’étais sur votre ligne, vous le dites vous-même. Je pouvais être en détresse ; cela ne faisait donc rien ?

— À vous dire vrai, ils ne souhaitaient pas que Livingstone fût retrouvé par vous. Impossible de vous figurer à quel point ils sont là-bas jaloux de votre expédition.

— Ils ne désiraient pas que Livingstone fût retrouvé, fût secouru ! Pourvu que la chose s’accomplît, qu’importait qui l’eût faite ? »

À partir de ce moment je me sentis condamné. Qu’un être quelconque fût assez inhumain pour désirer l’insuccès de mon entreprise, parce qu’elle était américaine, était la dernière idée qui me serait venue. J’avais été trop absorbé par mon œuvre pour imaginer cette chose improbable, insensée, qu’il y avait des gens qui aimaient mieux que Livingstone fût à jamais perdu, que de le voir retrouver par un Américain.

Je ne fus pas longtemps à Zanzibar sans être complètement édifié sur l’esprit de l’Angleterre à mon sujet. On me montra des fragments de journaux, dans lesquels plusieurs membres de la Société de géographie avaient tourné en ridicule l’expédition Bennett. L’un d’eux était allé jusqu’à dire que pour pénétrer en Afrique, il ne fallait rien moins que la trempe d’un Anglais. Le docteur Kirk avait cependant écrit à mon égard des paroles bienveillantes, disant « qu’il ne comptait que sur moi. » Je lui en suis reconnaissant, et je regrette d’avoir eu à lui porter une plainte officielle de la part de Livingstone.

Le soir j’envoyai cette lettre au consulat, avec celle qui était adressée à M. Oswald.

Les résidents américains et allemands saluèrent mon retour et m’acclamèrent avec autant de cordialité et de chaleur que si Livingstone avait été membre de leur propre famille. Le capitaine Fraser et le docteur James Christie me prodiguèrent également leurs éloges. Il parait que ces deux gentlemen avaient essayé de monter une expédition dans le but de secourir leur illustre compatriote. Une somme de cinq cents dollars, entre autres, avait été souscrite par eux dans ce but honorable. Telle ou telle chose avait fait manquer l’entreprise ; ainsi l’individu qu’ils avaient mis à la tête de la caravane, avait rompu son engagement pour se charger d’une mission qui devait lui rapporter davantage. Mais au lieu de ressentir la moindre contrariété de ce que j’avais accompli ce qu’ils auraient voulu faire, ces messieurs étaient au nombre de mes admirateurs les plus enthousiastes.