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son je vois un homme vêtu de flanelle et coiffé d’un casque pareil à celui que je porte ; il est jeune, a des favoris roussâtres, la physionomie spirituelle et vive, tandis qu’une légère inclinaison de tête lui donne un certain air pensif.

Un homme de race blanche est à mes yeux presque un parent ; je me dirige vers celui-ci, il vient à ma rencontre ; une poignée de main chaleureuse, — nous ne nous embrassons pas ; à cela près, rien ne manque à notre accueil.

« N’entrez-vous pas ? me dit-il.

— Non, merci.

— Qu’allez-vous prendre ? de la bière, du stout, ou de l’eau-de-vie ? Eh ! par George ! s’écria-t-il avec impétuosité, je vous félicite de votre éclatant succès. »

Je reconnus alors qu’il était Anglais ; c’est leur manière de faire les choses ; toutefois, en Afrique, l’habitude aurait pu changer. Un succès éclatant ! Est-ce de la sorte qu’ils l’envisagent ? Tant mieux. Mais comment a-t-il pu le savoir ? Ah ! j’oubliais mes trois soldats ; ce sont eux qui ont jasé.

« Merci, je ne prendrai rien, répondis-je.

— Vous accepterez de la bière, camarade, et tout de suite, ou je vous fais sortir sept jurons de la gorge, reprit-il avec enjouement. »

De ce ton vif et léger qui était dans sa nature, il m’eut bientôt appris qui il était et ce qu’il venait faire ; mis au courant de ses espérances, de ses idées, de ses sentiments sur presque toutes choses. Il s’appelait William Henn, était lieutenant de la marine royale et chef de l’expédition que la Société de géographie de Londres envoyait à la recherche de Livingstone. Il avait d’abord, à ce dernier égard, été sous les ordres du lieutenant Llewellyn S. Dawson ; mais celui-ci, en apprenant que j’avais trouvé le docteur, s’était rendu chez le consul et avait résigné ses fonctions, dont le lieutenant Henn avait été formellement investi.

Mister Charles New, un membre de la mission de Mombas, s’était, par le même motif, également retiré de l’expédition dont il avait fait partie au début.

« Si bien qu’aujourd’hui, continua le lieutenant, nous ne sommes plus que deux. M. Oswatd Livingstone, second fils du docteur, et moi.

— M. Oswald est ici, m’écriai-je, au comble de la surprise.

— Vous allez le voir, il va venir tout à l’heure.

— Et maintenant, que pensez-vous faire ?