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des damnés. Puis les dards et les lances des cactus ; les grappins, les aiguilles des broussailles ; la fange qui vous monte jusqu’aux genoux, le manque d’air, les effluves putrides. On ne comprend pas que l’on sorte vivant d’un pareil endroit. Et ces plaies, aussi nombreuses que celles de l’ancienne Égypte, se rencontrent souvent dans cette région. Enfin nous leur avons échappé ; et bien d’autres, qui en subiront les atteintes, leur échapperont comme nous.

1er mai. Kingarou Hera. On nous dit qu’un terrible ouragan a fait rage à Zanzibar ; qu’il a détruit toutes les maisons, brisé tous les navires, et fait les mêmes désastres à Bagamoyo et à Vhouindé ; mais je connais maintenant les tendances exagératrices des Africains. Toutefois, d’après ce que nous avons vu dans l’intérieur, il est possible que les dégâts soient considérables.

Autre nouvelle, et tout à fait imprévue : il y a, dit-on, à Bagamoyo des hommes blancs, sur le point de partir pour se mettre à ma recherche. Qui peut me chercher ? Je ne le devine pas. Ils auront eu vent de mon expédition ; mais comment ont-ils pu savoir que j’allais moi-même à la recherche de quelqu’un, puisque la première fois que j’en ai parlé, c’était dans l’Ounyamouézi ?

2 mai. Rosako. Au moment où j’entrais dans le village, y arrivaient les trois hommes que j’avais expédiés à Zanzibar. Ils m’apportaient de la part de M. Webb, toujours généreux, quelques bouteilles de Champagne, quelques pots de confiture et deux boîtes de biscuit de Boston. Toutes choses que les rudes épreuves de ces derniers temps m’ont fait bien accueillir.

Dans l’une des boîtes se trouvaient soigneusement pliés, quatre numéros de l’Herald. L’un de ces numéros contenait la correspondance que j’ai envoyée de Kouihara. Beaucoup de fautes d’impression, surtout dans les noms propres. Je suppose que mon écriture était illisible, par suite de mon état de faiblesse.

Un autre numéro de l’Herald donnait des extraits de différents journaux, dans lesquels mon voyage est regardé comme un mythe. Hélas ! il a eu pour moi d’affreuses réalités : fatigues, maladies, inquiétudes, angoisses de tout genre — presque le tombeau. Dix-huit hommes ont payé de leur vie la part qu’ils y ont prise. Ce n’est pas un mythe que le sort de Shaw et celui de Farquhar ; pauvres camarades ! leur mort n’est que trop réelle.

L’un de ces articles, fait par un journaliste du Tennesse, après avoir finement raillé l’entreprise, se termine par les lignes suivantes :