Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/550

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que nous avions vu si populeux, n’était plus qu’une solitude désolée.

Nous prolongeâmes l’étape jusqu’à Oulagalla. À mesure que nous avancions, il devenait plus évident qu’une tempête avait traversé le pays ; les arbres couchés en andains en fournissaient la preuve.

Une marche des plus fatigantes nous conduisit à Moussoudi ; pendant tout le trajet nous avions pu voir qu’une effrayante mortalité avait accompagné le désastre.

Interrogé par nous, le dihouan, c’est-à-dire le chef, nous fit cette réponse : « Chacun était allé se coucher, à l’heure habituelle, comme je l’avais toujours vu faire depuis que j’étais dans la vallée, que j’habite depuis vingt-cinq ans. Tout le monde dormait, quand, au milieu de la nuit, on fut réveillé par d’épouvantables roulements, tels qu’en auraient fait de nombreux tonnerres. La mort faisait son œuvre, sous la forme d’une grande masse d’eau ; on aurait dit un mur qui passait, arrachant les arbres, et emportant les maisons ; près de cent villages ont disparu.

— Et les habitants ? demandai-je.

— Dieu a pris la plupart ; les autres sont allés dans l’Oudoé. »

Il y avait six jours que le désastre avait eu lieu ; l’eau s’était retirée ; la scène mise à nu était effroyable. Sur tous les points on ne voyait que dévastation : des champs de maïs couverts de sable ; partout des débris ; le lit déserté par la rivière, béant sur une largeur d’un mille.

De tous les coups portés à la tribu des Vouakami, le plus terrible et le plus sûr lui était venu d’en haut. Le récit était vrai : des cent villages que nous avions comptés l’année précédente, il n’en restait plus que trois. C’était le cas de répéter avec le vieux chef : « Dieu est tout-puissant ; qui peut lui résister ? »

30 avril. Nous brûlons Msouhoua et nous nous précipitons dans la jungle, qui, l’année dernière, nous a donné tant de peine. En dehors du couloir que nous suivons, elle est si épaisse qu’un tigre ne pourrait y ramper, si résistante qu’un éléphant ne la déchirerait pas. Quelle fétidité, quel poison ! Recueillis et concentrés, les miasmes que l’on respire ici auraient une action foudroyante ; l’acide prussique ne serait pas plus fatal.

Horreurs sur horreurs, dans cette caverne épineuse : des boas sur nos têtes, des serpents, des scorpions sous nos pieds ; des crabes, des tortues, des iguanes, des légions de fourmis, dont les morsures brûlantes nous font bondir et nous tordre comme