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ques qui menaçaient de nous dévorer complètement. Enfin le jour parut, et quand sonna la marche, personne n’y fit opposition.

À cinq heures du matin, nous avions passé la Makata ; mais les quatre affluents du Vouami s’étaient rejoints, et formaient devant nous un lac de six milles d’étendue. Les habitants de Kigongo nous avertirent de ne pas nous y engager, affirmant que nous aurions de l’eau par-dessus la tête. Toutefois je n’eus qu’un signe à faire à mes hommes pour continuer la route ; nous étions devenus amphibies. Cela valait mieux d’ailleurs que de rester dans l’herbe pourrie qui nous entourait ; et dans l’eau jusqu’aux genoux, jusqu’aux épaules, jusqu’au menton, portant les enfants, marchant sur la pointe du pied, subissant les épreuves que nous avions endurées la veille, nous gagnâmes la Petite-Makata. Elle avait un courant de huit nœuds à l’heure, mais seulement cinquante mètres de large ; et de l’autre côté la plaine était à sec.

Il n’y avait pas à dire, il fallait se mettre à la nage. Le courant était si fort, que là traversée fut longue. Mais l’activité, le zèle, la perspective des récompenses, doublés de cette pensée fortifiante qu’on approchait du but, firent merveille ; et deux heures après, nous étions en terre ferme.

Joyeux et pleins d’espoir, nous suivions la route unie et sèche, allant d’un pas rapide, avec le nerf et l’aisance de vétérans éprouvés : trois étapes en un jour.

Le soir, nous couchions à Simbo.

Le 29, l’Oungérengéri était passé, et nous arrivions à Simbamouenni, capitale de l’Ouségouhha. Mais quel changement ! Le torrent avait balayé toute la muraille qui le longeait, et abattu cinquante maisons. En ne prenant que le quart du chiffre qui nous fut donné, cent personnes étaient mortes.

La sultane avait pris la fuite ; les habitants s’étaient dispersés ; la ville de Kisabengo n’existait plus. Un profond canal, creusé par son fondateur pour amener sous ses murs une branche de l’Oungérengéri, et qui faisait l’orgueil du despote, avait ruiné la cité. Apiès l’avoir détruite, la rivière s’était formée un nouveau lit, à trois cents pas environ de l’ancienne muraille.

Les Vouarougourou, qui habitaient les pentes de la chaîne de Mkambakou, n’avaient pas moins souffert. Nous étions étonnés de la quantité de débris amoncelés de toutes parts, et du nombre d’arbres arrachés, tous dans la même direction, comme abattus par un vent du nord-ouest. La vallée de l’Oungérengéri, cet éden