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drières. Tout débordait ; la pluie tombait toujours, tombait à faire rejaillir l’eau en écume jaunâtre, à nous faire perdre haleine, en nous fouettant la poitrine et le visage.

Venait le soir, la nuit se passait à combattre des essaims de moustiques, noirs et voraces, et en héroïques efforts pour tâcher de dormir, ce qui n’avait lieu qu’un instant, lorsque les forces étaient complètement épuisées.

Le 13, nous sortîmes des villages de Mvoumi. Il avait plu toute la nuit, et la pluie ne cessait pas.

Les milles se succédèrent en pleine inondation, jusqu’au moment où un bras de la rivière, peu large, mais trop profond pour être passé à gué, nous arrêta.

Un arbre fut abattu et dirigé en travers du courant ; les hommes enfourchèrent cette passerelle et s’y traînèrent en poussant leurs charges devant eux. Mais soit folie, soit excès de zèle, un écervelé, du nom de Rojab, prit la caisse où étaient les papiers du docteur, et sauta dans la rivière.

Passé d’abord, afin de surveiller la traversée, je venais de gagner l’autre rive, lorsque je vis cet homme en pleine eau, avec la précieuse boîte sur la tête. Tout à coup il enfonça ; un creux avait failli l’engloutir. J’étais à l’agonie. Il se releva heureusement ; et le tenant au bout de mon revolver. « Prenez garde ! lui criai-je ; si vous lâchez cette boite, je vous tue ! »

Tous les autres s’arrêtèrent, regardant leur camarade entre ces deux périls. Quant à lui, il avançait, les yeux fixes, attachés sur le revolver ; et faisant un effort désespéré, il atteignit la rive.

Les papiers et les dépêches n’ayant subi aucun dommage, l’imprudent échappa à toute punition ; mais il lui fut enjoint de ne plus toucher à la boite, sous aucun prétexte ; et le précieux fardeau fut confié à Maganga, homme attentif et soigneux, pagazi au pied sùr, et fidèle entre tous.

Une heure après, nous avions gagné la branche principale de la rivière, dont les eaux furieuses constituaient un bien autre obstacle ; il nous suffit d’un regard pour le voir.

On travailla rudement ; quatre grands arbres furent abattus ; on se procura des liens, nous fîmes un radeau ; mais à peine l’avions-nous lancé qu’il enfonça comme du plomb.

Tous nos bouts de corde furent réunis ; nous eûmes de la sorte une ligne de cent quatre-vingts pieds, dont Choupéreh alla nouer l’extrémité à un arbre de l’autre rive. Il fut entraîné par le courant à une assez grande distance ; mais excellent nageur, il finit