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corps de Farquhar. J’aurais voulu faire à celui-ci un tombeau convenable ; mais en dépit des recherches les plus attentives, il me fut impossible de retrouver le moindre vestige du malheureux Écossais.

Avant de quitter Kouihara, j’avais employé mes cinquante hommes, pendant deux jours, à transporter des quartiers de roche, dont j’avais fait une enceinte de huit pieds de long sur cinq de large autour de la fosse de Shaw, voulant marquer la tombe du premier homme blanc qui mourut dans l’Ounyamouézi. D’après Livingstone, ce monument durera des siècles.

Bien que tous nos efforts pour découvrir quelque reste du pauvre Farquhar aient été sans résultat, je n’en ai pas moins fait ramasser une grande quantité de pierres, et j’en ai formé un cairn au bord du ravin, pour rappeler l’endroit où le corps avait été déposé.

Ce ne fut qu’en entrant dans la vallée de la Moukondokoua que nous commençâmes à souffrir de la faim et des rigueurs de la saison. Les torrents y étaient en furie ; la rivière, un immense flot brun, d’une force irrésistible ; les noullahs à pleins bords, tous les champs inondés ; et la pluie, qui tombait en averse diluvienne, nous annonçait ce que nous trouverions ensuite. Nous n’en poursuivîmes pas moins notre route, pressant le pas, en hommes pour qui chaque minute est précieuse, et qui fuient devant le déluge.

Trois fois, attachant d’arbre en arbre des cordes d’une rive à l’autre, nous passâmes la rivière aux anciens gués ; et nous arrivâmes le 11 à Kadétamare, dans un état de misère et d’épuisement indescriptibles. Notre camp fut établi sur une colline de la rive gauche. En face de nous, sur l’autre bord, se dressait le mont Kiboué, l’un des pics les plus élevés de la chaîne.

Le 12 avril, six heures de marche, plus pénibles que toutes les précédentes, nous firent gagner l’ouverture de la passe d’où la Moukondokoua débouche dans la plaine de la Makata. Eussions-nous ignoré que la pluie était exceptionnelle, l’aspect de la vallée nous en eut fourni la preuve. Si affreuse que nous l’eussions vue précédemment, ce n’était rien en comparaison de ce qu’elle était alors. Nous suivions de près la rivière écumante, ayant de l’eau jusqu’à la ceinture, parfois jusqu’à la gorge. La nécessité nous poussait ; nous avions peur d’être retenus dans l’un de ces villages jusqu’à là fin de la saison. Nous avancions donc, traversant le marécage, suivant les tunnels des jungles, franchissant les fon-