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famé, exténué, détrempé et moisi. Il fut enjoint, d’autre part, aux messagers de ne faire aucune halte ; pluie, rivières, inondation, rien ne devait les arrêter ; sans quoi ils nous auraient sur les talons avant d’avoir gagné la côte. « Inchallah, bana, » répondirent-ils avec ferveur, et ils s’éloignèrent.

Le 5, poussant de joyeux hourras, nous nous plongeâmes dans les profondeurs du Marenga Mkali, dont la solitude et l’éternel silence étaient bien préférables aux bruits discordants des villages de l’Ougogo.

Pendant neuf heures, mes hommes soutinrent la marche, faisant partir devant eux, au bruit de leurs voix perçantes, les farouches rhinocéros, les timides couaggas, les bandes d’antilopes qui peuplent les jungles de cette vaste saline. Le surlendemain, par une pluie battante, nous arrivions à Mpouapoua, où Farquhar était mort.

Nous avions franchi cette longue distance — trois cent trente-huit milles (cinq cent quarante-quatre kilomètres) — depuis le 14 mars, c’est-à-dire en vingt-quatre jours, y compris les haltes : ce qui, par journée, faisait un peu plus de quatorze milles en moyenne.

Leucolé, chef de Mpouapoua, auquel j’avais laissé Farquhar, me donna sur la mort de celui-ci les détails suivants :

« Après votre départ, le Mousoungou parut aller mieux ; cela dura pendant quatre jours ; mais le lendemain matin, comme il essayait de se lever, il tomba à la renverse. À compter de ce moment, il alla de plus mal en plus mal ; dans l’après-midi, il mourut comme un homme qui s’endort. Il avait le ventre et les jambes extrêmement enflés ; et je pense qu’en tombant il se brisa quelque chose à l’intérieur, car il jetait des cris comme une personne qui a une blessure grave, et son domestique disait : « Le maître dit qu’il va mourir. »

« Quand il a été mort, nous l’avons porté sous un gros arbre, où nous l’avons laissé, après l’avoir couvert de feuilles. Son serviteur s’est emparé de tout ce qu’il avait, de son fusil, de ses vêtements, de sa couverture ; puis il s’est rendu au tembé d’un Mnyamouézi, qui se trouve près de Kisokoueh ; il y a demeuré trois mois, et à son tour il est mort.

« Il avait vendu le fusil de son maitre à un Arabe qui allait dans l’Ounyanyembé, et en avait reçu dix dotis. C’est là tout ce que je sais à l’égard du Mousoungou et de l’homme qui le servait. »

Leucolé me montra ensuite le ravin où l’on avait jeté le