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des lances, ou l’arc tendu à la main, sortirent du fourré en hurlant des vouaat-ouh ! vouaat-ouh-ouh ! pleins de menaces.

Aux premiers cris, chacun de nous s’était mis en garde, et nous étions prêts à recevoir la bande, qui, en nous voyant, s’était arrêtée, non moins prête au combat.

Une flèche ou une balle reçue d’un côté ou de l’autre, et qui peut dire ce qui serait arrivé ? Quarante fusils contre autant de lances ; le résultat ne vous semble pas douteux ; mais des premiers, combien m’auraient soutenu ? Pas un seul, peut-être.

Mon crâne eût alors blanchi au bout d’une perche, sur la place du village, comme celui du pauvre lieutenant Maizan, à Dégé la Mhora. Et le journal du docteur ? perdu pour toujours !

Mais dans ce pays, il ne faut se battre qu’à la dernière extrémité. Nul voyageur belliqueux, nul Mungo Park, ne réussirait : dans l’Ougogo, à moins d’avoir une armée suffisante. Avec cinq cents Européens, on traverserait l’Afrique du nord au sud, et par l’effet moral que produirait une semblable force ; en y mettant de la prudence et du tact, on aurait peu d’occasions de faire usage de ses armes.

Sans me lever du ballot sur lequel j’étais assis, j’ordonnai au guide de demander l’explication de ce vacarme et de cet aspect menaçant.

« Venait-on pour nous dépouiller ?

— Non, répondit le chef, nous n’avons l’intention ni de vous dépouiller, ni de vous voler, ni de vous arrêter ; nous ne fermons pas la route ; mais nous voulons le tribut.

— Vous alliez le recevoir. Ne voyez-vous pas que nous avions fait halte, et qu’on ouvrait le ballot pour vous envoyer de l’étoffe ? Si nous nous sommes arrêtés loin du village, c’était pour repartir dès que le tribut serait payé ; le jour est encore jeune et nous voulions poursuivre notre marche. »

Le chef éclata de rire ; je suivis son exemple. Il était évidemment honteux de sa conduite ; car, de lui-même, il en offrit l’explication. Ses hommes, dit-il, étaient en train de couper du bois pour faire au village une nouvelle enceinte, lorsqu’un jeune gars vint le trouver, et lui rapporta qu’une caravane traversait le pays sans même dire qui la composait.

Mais toute explication devenait inutile ; nous étions maintenant bons amis. Il me raconta que depuis des mois la terre n’avait pas eu d’eau, que ses récoltes en souffraient, et il me demanda en grâce de faire pleuvoir. Je lui répondis que, malgré l’énorme su-