CHAPITRE IV
Bagamoyo.
L’île de Zanzibar avec ses plantations de cocotiers et de manguiers, sa ville aux maisons blanches, ses bois de girofliers et de cannelliers, avec son port et ses navires, ses deux îlots placés en sentinelles, s’effaça peu à peu ; tandis que grandissait au couchant le rivage africain, banc de verdure pareil à celui qui, reculant toujours, n’était plus qu’une ligne sinueuse, prenant à l’horizon le noble aspect des montagnes.
Bien que de Zanzibar à Bagamoyo la distance ne fût guère que de vingt-cinq milles, nos daous paresseuses ne mirent pas moins de dix heures pour faire la traversée[1]. Elles jetèrent l’ancre au sommet d’un récif de corail situé à cent mètres de la côte, et dont la roche se voyait distinctement à quelques pieds au-dessous de la surface de l’eau.
Mes soldats, amoureux de vacarme et prompts à s’en exalter, saluèrent d’une vive mousquetade le mélange d’Arabes, de Banians et de Vousahouahili[2] qui se pressaient sur la plage, et qui nous accueillirent par des Yambo bana ? (Comment vous portez-vous, maître ?) accompagnés de regards ébahis.
- ↑ Il doit y avoir ici une faute d’impression ; avec ces dix heures de marche, les daous ne seraient arrivées que dans la nuit, ce que les détails suivants rendent peu probable, et ce que le voyageur nous aurait fait remarquer.
Six heures seraient encore une marche assez lente, pour qu’il y ait eu à s’en plaindre, vu la proximité
de la fin du jour. (Note du traducteur.)
- ↑ Dans le langage de cette partie de la côte et dans les idiomes qui s’y rattachent, le préfixe Ou veut dire pays, région, contrée : Ouzaramo, région de Zaramo. M, ou, par euphonie, la syllabe Mou indique l’habitant du lieu en question ; Voua est la marque du pluriel ; Ki annonce quelque chose appartenant à la contrée, et désigne principalement l’idiome. Quelques noms de pays font exception et ne prennent pas l’Ou initial ; mais leurs dérivés n’en suivent pas moins la règle commune ; par exemple Sahouahil, rivage ; Msahouahili, homme du Sahouahil ; Vouasahouahili, gens du Sahouahil ; Kisahouahili, idiome employé par ces gens. (Voir Burton, Voyage aux grands lacs, p. 19.)