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Bientôt les guerriers sortirent de leurs cases en tenue de combat, et se rassemblèrent. Du bourg principal défila un corps nombreux, dont les hommes, le front peint d’une crinière de zèbre, ou surmonté de plumes d’aigle ou d’autruche, un manteau de drap rouge suspendu au cou et flottant derrière les épaules, tous brandissant des lances, des asségayes, des arcs, des casse-tête, faisaient sonner d’un même pas de course, avec un admirable ensemble, les clochettes qu’ils avaient aux genoux et aux chevilles ; tandis que, sur les flancs de la colonne, des nuées d’escarmoucheurs se livraient, tout en courant, à des assauts imaginaires.

Des groupes, des compagnies de tous les villages passèrent devant nous — probablement un millier de soldats — et plus que jamais cette vue me fit comprendre la faiblesse des caravanes, même des plus imposantes, en face des Vouagogo.

Le soir tous les guerriers rentraient dans leurs bourgades ; c’était une fausse alerte.

On avait dit tout d’abord que les envahisseurs étaient les Vouadirigo, c’est-à-dire les Vouahéhé, qu’on appelle ainsi d’une façon méprisante, en raison de leur penchant pour le vol. Ces maraudeurs font sur le gros bétail de l’Ougogo de fréquentes razzias, qu’ils exécutent de la manière suivante : Ils viennent de leur pays, qui est au sud-est, en se glissant dans les jungles, et se dirigent ainsi vers les pâturages ; dès qu’ils aperçoivent les troupeaux, ils se baissent jusqu’à terre, s’abritant sous leurs boucliers de cuir de bœuf ; ils rampent jusqu’auprès du bétail, se relèvent tout à coup et chassent promptement les bêtes dans la jungle, où elles sont attendues par des gens appostés pour les recevoir ; puis, faisant volte-face, les maraudeurs plantent leurs boucliers devant eux, et attaquent les pâtres qui s’élançaient à leur poursuite.

Khonzé, où nous arrivâmes le 30, est remarquable par la puissance des globes de feuillage, dont les baobabs et les sycomores maillent la plaine.

Toute la gloire du chef de l’endroit se bornait à gouverner quatre tembés, pouvant fournir ensemble une cinquantaine de soldats. Poussé par quelques Vouanyamouézi, habitants de ses bourgades, l’infime potentat ne s’en disposait pas moins à nous barrer le passage, sous prétexte de l’insuffisance des trois dotis que je lui avais envoyés comme tribut.

Les Vouagogo qui faisaient route avec nous voulurent bien se joindre à Bombay pour aller discuter la question. Nous attendions leur retour à l’ombre de l’un des colosses dont nous avons