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broyer leur grain ; ce genre de meunerie s’emploie communément dans les endroits où les villages sont rares, ou les habitants hostiles. Cette table de syénite portait à l’un de ses bouts une sorte de pyramide tronquée et renversée, n’ayant aucune adhérence avec elle.

Le 27, au point du jour, comme nous quittions les rives du Mdabourou, la bande fut solennellement avertie qu’elle entrait dans l’Ougogo ; et en sortant de Kaniyaga, nous défilâmes dans un vaste champ de maïs. Les épis, qui s’entrechoquaient bruyamment, étaient assez mûrs pour être grillés, et nous enlevaient toute inquiétude ; car en général, au mois de mars, surtout dans les premiers jours, les caravanes ont à subir de rudes privations, celles des indigènes aussi bien que les autres.

Les tamaris, les gommiers, les arbres épineux, les mimosas, dont se composent les forêts de l’Ougogo, ne tardèrent pas à paraître. Parmi eux, souvent un arbre à fruit ; du raisin en abondance, mais qui n’était pas mûr. Il y avait aussi une baie rougeâtre, ayant une saveur douce, et portée par des branches dont les feuilles ressemblent à celles du groseillier à maquereau ; puis un fruit de la grosseur d’un abricot, mais d’une amertume excessive.

À la sortie des broussailles, nous aperçûmes les établissements de Kiouhyeh, et nous allâmes camper sous un énorme baobab, situé au levant de la résidence du mtémi.

La population de Kiouhyeh est composée de Vouakimbou et de Vouagogo en nombre égal. Le vieux chef qui vivait lors du passage de Speke était mort ; c’était son fils qui l’avait remplacé. Malheureusement l’extrême jeunesse de celui-ci faisait la partie belle à ses voisins, dont elle encourageait les convoitises ; et bien que son territoire, ou les bêtes bovines se comptaient par centaines, eût un aspect florissant, le jeune chef avait une position précaire.

À peine avions-nous dressé ma tente que les trompes guerrières mugirent de toutes parts, et que nous vîmes des messagers courir dans toutes les directions en appelant aux armes. Je craignis d’abord que notre arrivée ne fût la cause de ce tumulte ; mais le cri d’ourougou vouarougou ! (voleur ! voleurs !) jeté de bourgade en bourgade nous apprit le motif de cet appel. Moukondokou, chef d’un district populeux, situé à deux jours de marche au nord-est, et où j’avais excité une vive émotion lors de mon premier passage, était en campagne pour attaquer le jeune Kiouhyeh.