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milieu du cercle. Bombay, toujours comique, et danseur passionné, était coiffé de mon seau ; le robuste Choupéreh, l’homme au pied agile et sûr, avait une hache à la main, une peau de chèvre sur la tête ; Mabrouki, Tête-de-Taureau, tout à fait dans son rôle, faisait des bonds d’éléphant solennel ; Baraka, drapé dans ma peau d’ours, brandissait une lance ; Oulimengo, armé d’un mousquet, paraissait affronter cent mille hommes, tant il avait l’air féroce ; Khamisi et Kamna, dos à dos devant les tambours, lançaient ambitieusement des coups de pied aux étoiles ; le géant Asmani, pareil au dieu Thor, se servait de son fusil comme d’un marteau pour broyer des bandes imaginaires.

Toute autre passion dormait ; il n’y avait là, sous le ciel étoilé, que des démons jouant leur rôle dans un drame fantastique, entraînés qu’ils étaient au mouvement par le tonnerre irrésistible des tambours.

La musique guerrière s’arrêta, pour faire place à une autre. Le chorège se mit à genoux, et se plongea la tête à diverses reprises dans une excavation du sol ; puis il commença un chant grave, d’une mesure lente, dont le chœur, également agenouillé, répéta d’une voix plaintive les derniers mots de chaque verset, que je traduis littéralement :

Le chorège : Oh ! oh ! oh ! L’homme blanc s’en va chez lui.
xxxx Le chœur : Oh ! oh ! oh ! Chez lui… chez lui… oh ! oh ! oh !
xxxx — Dans l’île heureuse de la mer, où les perles abondent.
xxxx — Oh ! oh ! oh ! où les perles abondent… oh ! oh ! oh !
xxxx — Pendant que Singéri nous garde si longtemps loin de chez nous, oh ! oh ! oh ! si longtemps ! ob ! oh ! oh !
xxxx — Loin de chez nous, oh ! oh ! oh !… oh ! oh ! oh !
xxxx — Et nous jeûnons depuis longtemps, oh ! oh ! oh ! depuis bien longtemps, oh ! oh ! oh ! Nous mourons de fain, bana Singéri !
xxxx — Depuis si longtemps, si longtemps, oh ! oh ! oh ! Bana Singéri, Singéri, Singéri… oh ! Singéri !
xxxx — Mirambo est en guerre pour combattre les Arabes. Arabes et Vouangouana sont en guerre pour combattre Mirambo.
xxxx — Oh ! oh ! pour combattre Mirambo, oh ! Mirambo, Mirambo ! pour combattre Mirambo.
xxxx — Mais l’homme blanc nous rendra joyeux. Il retourne chez lui ! Il retourne chez lui et nous rendra joyeux… ch ! ch ! ch !
xxxx — L’homme blanc nous rendra joyeux, ch ! ch ! ch ! ch !… ch ! ch ! ch !… ch ! ch… ch… h… Oum-m… mou-oum-m-m-m — ch… »

Il est impossible de rendre le ton, l’accent passionné de ce chant d’un rhythme parfait, l’une des productions les plus remarquables des enfants de l’Ounyamouézi, qui aiment tant à chanter en chœur et qui ont le sentiment de la beauté épique.