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« Deux de ces fontaines s’écoulent au nord, vers l’Égypte, par la Loufira et le Lomami ; les deux autres vont au sud, dans l’Éthiopie intérieure, et forment le Kafoué et le Liambaye, qui est le Haut-Zambèse.

« Ne serait-ce pas de ces quatre fontaines que le trésorier du temple de Minerve parla jadis à Hérodote, et dont la moitié des eaux se dirigeait vers le Nil, l’autre moitié vers le sud ?

« J’ai entendu parler si souvent de ces fontaines, en différents endroits, que je ne doute pas de leur existence ; et malgré le désir poignant du retour, qui me saisit chaque fois que je pense à ma famille, je voudrais couronner mon œuvre par leur redécouverte.

« Une cargaison, valant cinq cents livres sterling, a été confiée de nouveau — chose inexplicable — à des esclaves. Elle a mis un an, au lieu de quatre mois, pour venir dans l’Ounyanyembé, où elle se trouve encore ; il faut que j’aille la chercher afin de continuer mes travaux ; et je suis obligé de le faire à vos dépens.

« Si mes rapports, au sujet du terrible commerce d’esclaves qui se fait à Oujiji, peuvent conduire à la suppression de la traite de l’homme sur la côte orientale, je regarderai ce résultat comme bien supérieur à la découverte de toutes les sources du Nil. Maintenant que, chez vous, l’esclavage est à jamais aboli, aidez-nous à atteindre ici le même but. Ce beau pays est comme frappé d’une malédiction céleste ; et pour ne pas porter atteinte aux privilèges esclavagistes du petit sultan de Zanzibar, pour ne pas toucher aux droits de la couronne de Portugal, droits illusoires, — un mythe, — on laisse subsister le fléau, en attendant que l’Afrique devienne pour les traitants portugais une nouvelle Inde.

« Je termine en vous remerciant du fond du cœur de votre grande générosité.

« Votre reconnaissant,

« David Livingstone. »

Cette lettre n’a pas besoin de commentaires ; je n’ai rien à y ajouter ; je dirai seulement que j’avais pensé qu’elle serait la meilleure preuve de mon succès ; et que j’étais heureux qu’il l’eût écrite[1].

Quant à ses découvertes, j’étais loin d’y prétendre ; je ne m’en occupais que dans la mesure où le journal qui m’avait envoyé à

  1. On se rappelle que M. Stanley fut accusé d’avoir forgé cette lettre, et que la production de ce témoignage le fit traiter de faussaire.(Note du traducteur.)