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Ses pieds et ses jambes étaient nus et d’énormes proportions, affecté qu’il était d’éléphantiasis, ce fléau du pays. Pour chaussures, il avait des babouches, à semelle épaisse, et retenues sur le coude-pied par une forte lanière de cuir.

Son teint, de nuance claire, ses traits réguliers et intelligents annonçaient l’Arabe de haute naissance, mais ne révélaient que sa noble origine : le caractère ne se reflétait nullement sur son visage, qui ne laissait voir que des traces d’affabilité et un parfait contentement de soi-même, ainsi que des personnes présentes.

Tel parut à nos yeux Saïd Bargash, sultan de Zanzibar, de Pemba et de toute la côte africaine depuis le Somal jusqu’à la province de Mozambique.

Le café nous fut servi dans de petites tasses posées sur des supports dorés ; on nous offrit en outre du lait de coco et d’excellents sorbets.

L’entretien débuta par ces paroles, adressées au consul :

« Comment vous portez-vous ?

— Fort bien, je vous remercie. Comment se porte Sa Hautesse ?

— À merveille. »

Je reçus la même question et fis la même réplique. M. Webb parla ensuite d’affaires, puis Sa Hautesse m’interrogea sur mes voyages :

« Aimez-vous la Perse ? Avez-vous vu Kerbéla, Damas, Bagdad, Stamboul ? L’armée turque est-elle nombreuse ? Combien la Perse a-t-elle de soldats ? Est-ce un pays fertile ? Comment trouvez-vous Zanzibar ? »

Ces demandes ayant eu leurs réponses, Saïd me donna des lettres de recommandation pour ses djémadars de Bagamoyo et de Kaolé, ainsi qu’un firman protecteur, adressé à tous les Arabes que je rencontrerais sur ma route ; puis il termina en m’exprimant l’espoir que mon voyage, quel que pût en être le but, serait parfaitement heureux.

Après un échange de saluts, nous nous retirâmes avec le même cérémonial, nous inclinant à chaque palier, et précédant toujours Sa Hautesse, qui nous reconduisit jusqu’à la grand’porte.

De là, je me rendis chez M. Goodhue, négociant américain, fixé depuis longtemps à Zanzibar, et qui, au moment des adieux, m’offrit gracieusement un cheval bai, venu du Cap, cheval de race qui valait au moins deux mille cinq cents francs.

Vingt-huit jours s’étaient écoulés depuis mon entrée dans le port, vingt-huit jours de rude labeur.