Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/518

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sence de ces dotis dans sa caisse, je confisquai l’étoffe et la distribuai aux serviteurs les plus méritants de Livingstone.

Le même personnage, c’est-à-dire Asmani, fut en outre accusé par les guetteurs de m’avoir pris deux gorahs, quatre dotis de calicot, et d’avoir, quelques jours après, arraché à mes hommes les clefs du magasin, de peur que s’ils entraient dans celui-ci ils ne vinssent â découvrir le vol.

Étant prouvé que cet Asmani était dépourvu de tout sens moral, le docteur le renvoya immédiatement. Si notre arrivée â Kouihara n’avait eu lieu que plus tard, il est probable que, cette fois encore, toute la cargaison expédiée à Livingstone aurait entièrement disparu.

L’Ounyanyembô étant riche en grain, en fruits, en bétail, nous résolûmes de réparer notre échec de la féte de Noël par un diner de gala dont, heureusement, je pouvais surveiller la confection. Jamais prodigalité semblable n’avait été vue dans la province, jamais non plus festin si délicat.

Peu d’Arabes se trouvaient alors dans le pays ; la plupart assiégeaient la forteresse de Mirambo. Une semaine environ après notre retour, le petit cheik Seid ben Sélim (El Ouali), qui commandait en chef les forces arabes, revint à Kouihara. C’était à lui, qu’en 1866, avait été adressé le premier envoi qu’on avait fait à Livingstone, et dont celui-ci n’avait jamais rien vu. Dès que nous apprîmes que le petit cheik venait d’arriver, le docteur lui fit réclamer lesdits objets. Séid répondit qu’il était trop malade pour s’occuper d’affaires ; toutefois, le lendemain, il donna les ballots, en demandant que le docteur ne fût pas trop fâché de la mauvaise condition dans laquelle ils se trouvaient, par suite de la voracité des fourmis blanches.

Le fait est que ces ballots étaient dans un état déplorable. Séid les avait retenus depuis 1867, afin de satisfaire sa passion pour les spiritueux, et probablement dans l’espoir d’hériter des armes précieuses qui faisaient partie de l’envoi ; mais de ces dernières les batteries n’existaient plus, les canons étaient rongés par la rouille, et les crosses dévorées par les termites.

Quant aux bouteilles d’eau-de-vie qui avaient accompagné l’étoffe disparue, il n’en restait que le verre. D’après l’Arabe, c’étaient les fourmis blanches qui avaient absorbé le liquide, et, chose merveilleuse, remplacé les bouchons par des fragments de rafle de mais. Les drogues s’étaient également évanouies, et les boites de zinc où on les avait mises n’offraient plus que des débris corrodés.