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lecture des lettres qui lui venaient d’Angleterre, et qui n’avaient pas moins d’une année de date.

Je recevais d’Amérique de bonnes et de mauvaises nouvelles ; celles-ci, heureusement, furent connues les premières ; les bonnes vinrent ensuite effacer les tristes impressions qu’avaient fait naître les autres, et qui, sans elles, me seraient restées.

Mais les journaux, — près d’une centaine, — journaux de Londres, de New-York, de Boston, étaient pleins des choses les plus étonnantes : La Commune de Paris en guerre avec l’Assemblée ; les Tuileries, le Louvre, l’ancienne Lutèce en flammes, brûlée par ses faubourgs ! Des troupes françaises tuant et massacrant les hommes, les femmes, les enfants. L’enfer et la vengeance déchaînés dans la plus belle ville du monde ! De jolies femmes, converties en démons, traînées par des soldats à travers les rues, et au milieu de l’exécration générale, à une mort sans pitié. Des enfants en bas âge, cloués à la terre à coups de baïonnette ; des hommes innocents ou non, fusillés, poignardés, sabrés, lacérés, détruits. — Une ville entière, livrée à la summa injuria d’une armée furieuse et sans frein !

Oh ! France ! Oh ! Français ! Pareille chose est inconnue, même au centre de l’Afrique.

Nous repoussâmes du pied les journaux ; et pour soulager nos cœurs pleins de dégoût, nous jetâmes les yeux sur le côté risible de ce monde, tel qu’il est représenté dans les pages innocentes de Punch. Pauvre cher Punch ! jovial et bon ! Reçois les bénédictions d’un voyageur. Tes plaisanteries produisirent sur nous l’effet d’un baume ; ta critique, sans fiel, nous rendit la gaieté, et provoqua nos rires.

Une foule compacte se pressait à notre porte, dans un étonnement indescriptible, causé par ces énormes feuilles. Les mots : khabari kisoungou (nouvelles du pays des blancs) circulaient parmi les spectateurs, qui se demandaient quelles pouvaient être ces nouvelles d’une si prodigieuse quantité ; et ils exprimaient l’opinion que les Vouasoungou étaient mbyah sana et très-mkali ; c’est-à-dire très-méchants, très-fins et très-habiles ; le mot méchant est souvent employé dans le pays pour exprimer la plus haute admiration.

Nous partîmes d’Ouganda le 14 février, et le 18 nous entrions dans la vallée de Kouihara, que nous faisions retentir de nos coups de feu. Il y avait cinquante-trois jours que nous avions quitté Oujiji, et cent trente et un que j’étais sorti de cette