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Le lendemain, impatient d’être en chasse, dans un endroit où il y avait tant de gibier de toute espèce, je me hâtai de prendre mon café, d’expédier à Ma-Manyéra, cet ami de joyeuse mémoire, une couple d’hommes chargés de présents, et j’allai battre le parc, suivi des mêmes serviteurs que la veille.

Nous n’étions pas à cinq cents mètres du camp, lorsque nous fûmes arrêtés par un trio de voix rugissantes, qui ne devait pas être à plus de cinquante pas. Mon fusil fut armé d’instinct, car je m’attendais à une attaque ; un lion avait pu fuir ; mais trois, ce n’était pas supposable.

En fouillant du regard les alentours, j’aperçus à belle portée un superbe caama qui tremblait derrière un arbre, comme si, déjà la griffe du lion eût été levée sur lui. Bien qu’il me tournât le dos, je crus pouvoir lui envoyer une balle. Il fit un bond prodigieux ; on eût dit qu’il voulait franchir au vol l’épais feuillage ; puis, revenant à lui-même, il se jeta au milieu des broussailles, dans la direction opposée à celle d’où étaient venus les rugissements. Ses traces sanglantes montrèrent qu’il avait été blessé ; mais je ne le revis pas, non plus que mes trois lions, qui, après avoir fait silence, s’étaient prudemment éloignés. À dater de cette époque j’ai cessé de considérer le lion comme le roi des animaux ; et, dans le jour, je ne m’inquiétai pas plus de sa voix menaçante que de la plainte des colombes.

Découragé par cet échec, je revins au camp. Le soir nous étions chez Ma-Manyéra, dont nous reçûmes l’accueil le plus hospitalier ; il avait envoyé à notre rencontre, et nous avait fait dire que son frère, l’homme blanc, ne devait pas camper dans les bois, mais loger dans son village. À notre arrivée il nous donna de la viande, du grain et du miel, qui furent les bienvenus, dans la pénurie où nous étions alors. Je fus reconnu de la même façon, depuis Imréra jusqu’à l’Ounyanyembé, par tous les chefs auxquels j’avais eu affaire l’année précédente. Il en est toujours ainsi dans les endroits que les traitants n’ont pas gâtés. Livingstone l’avait encore éprouvé dans sa dernière expédition chez les Babisa, chez les Ba-Ouloungou, ainsi que dans le Manyéma.

Le 14 nous arrivâmes à Ouganda, où nous fûmes bientôt confortablement établis dans une case que le chef voulut bien nous prêter. Férajji et Choupéreh nous attendaient là avec Sarmian et Oulédi, qui, on se le rappelle, avaient été envoyés à Zanzibar chercher des drogues pour le malheureux Shaw. Sarmian nous ramenait en outre Hamdallah, ce déserteur qui avait décampé à