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avait été confié aux soins d’un tuteur. Quand il eut dix-huit ans, fatigué de son inaction, il se rendit au Natal, d’où il entreprit de rejoindre son père. N’ayant pu réussir dans cette entreprise, il s’embarqua pour New-York et s’engagea dans les volontaires du New-Hampshire, qui faisaient partie de l’armée du Nord ; il contracta cet engagement sous le nom de Rupert Vincent, afin d’échapper à son tuteur, qui paraît avoir ignoré les obligations que ce titre lui imposait. Frappé à l’une des batailles qui eurent lieu devant Richmond, Robert fut transporté dans un hôpital de la North-Caroline, où il mourut de ses blessures.

Le 7 février nous nous arrêtions au bord de l’un des plus grands réservoirs du Gombé, une auge de plusieurs milles de longueur, où abondaient les hippopotames et les crocodiles.

De là j’expédiai Férajji et Choupéreh dans l’Ounyanyembé, pour y prendre les médicaments et les dépêches que l’on m’avait envoyés de Zanzibar, et qu’ils devaient nous apporter à Ouganda, lieu de rendez-vous que je leur indiquai.

Le lendemain nous avions repris notre ancien camp, c’est-à-dire la place où nous avions fait notre première station dans ce paradis des chasseurs. La pluie avait dispersé la plupart des hardes ; mais il y avait beaucoup de gibier dans le voisinage ; et aussitôt que j’eus déjeuné, je partis pour la chasse avec Khamisi et Kaloulou.

Une assez longue marche nous fit arriver près d’une jungle où se voyaient des empreintes d’antilopes, d’éléphant, de sanglier, de rhinocéros, d’hippopotames, ainsi que des traces de lion en nombre inusité.

Tout à coup j’entendis le mot simba (un lion) proféré par Khamisi, qui venait à moi en tremblant de tous ses membres, — le pauvre garçon n’était pas brave, — et j’aperçus dans l’herbe une tête qui nous regardait fixement. L’animal se mit à faire des bonds de côté et d’autre ; mais l’herbe était si grande qu’il n’y avait pas moyen de dire exactement ce que c’était.

Un arbre se trouvait en face de moi ; je le gagnai en rampant, avec l’intention d’y appuyer mon raïfle, car la fièvre m’avait tellement affaibli que j’étais incapable de maintenir cette arme pesante à la hauteur voulue.

J’arrive, je place avec précaution mon fusil contre l’arbre, et au moment de viser, je vois la bête qui s’enfuit ; l’herbe, en cet endroit, moins haute et moins épaisse, ne la cachait plus : c’était bien le monarque des forêts qui se sauvait à toutes jambes.