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inépuisable. Avec cela très-pratique ; il a pour le camp mille ressources ; pour la marche, pour les rapports avec les indigènes, il a mille moyens ; il est au fait de tout. Son lit, à la confection duquel il préside tous les soirs, vaut un sommier élastique. Deux perches, de trois à quatre pouces de diamètre, sont d’abord placées parallèlement à deux pieds l’une de l’autre ; sur ces perches, il fait poser, en travers, des brins souples de trois pieds de longueur, espèce de sangle qui reçoit une couche d’herbe très-épaisse ; on recouvre celle-ci d’une toile imperméable, sur laquelle s’étendent les couvertures ; et le lit est digne d’un roi.

C’était d’après son conseil que j’avais emmené des chèvres d’Oujiji, afin d’avoir du lait pour le thé et pour le café, dont nous étions de grands consommateurs : six ou sept tasses chacun à toutes les haltes. Enfin nous avions de la musique, un peu rude il est vrai, mais valant mieux que rien : les cris mélodieux de ses perroquets du Manyéma.

Entre Mouarou, village de Ka-Mirambo, et le tongoni d’Oukamba, je gravai sur un arbre le chiffre de Livingstone et le mien avec la date du jour : 2 février 1872. C’était la seconde fois que je me rendais coupable de ce fait en Afrique. La première, ce fut dans l’Ouvinza, sur un sycomore, le soir où, après de longs jeûnes, il fallut se coucher sans souper. Au-dessous de la date, j’ajoutai le mot : starving (mourant de faim).

En passant dans la forêt d’Oukamba, nous vîmes le crâne blanchi d’une victime des privations de la route. Le docteur me dit à ce propos qu’il ne traversait jamais une forêt africaine, où il y a tant de calme et de sérénité, sans éprouver le désir d’y être enterré sous les feuilles mortes ; là, du moins, il était sûr que son repos ne serait pas troublé. En Angleterre, il n’y a pas assez de place ; les tombes y sont vidées trop souvent, disait-il ; et depuis qu’il avait enterré sa femme au bord du Zambèse, dans les bois de Choupanga, il avait toujours souhaité pour lui un pareil endroit, où ses os fatigués trouveraient l’éternel repos qu’ils convoitaient.

Le soir de ce même jour, quand la tente fut close, et qu’une bougie en éclaira l’intérieur, il me parla du premier de ses fils, de celui qui s’était appelé Robert. Pas un des lecteurs des Explorations dans l’Afrique australe, ce livre que tout adolescent doit avoir entre les mains, n’a oublié l’enfant qui eut le dernier regard de Sébitouané. Parti pour l’Angleterre, avec mistress Livingstone, à l’époque où le docteur avait quitté Kuruman, Robert