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— Oui, certes ; au nom de Dieu.

— Et où vas-tu avec ta caravane ?

— À Oujiji. Le fils de Médjid, qui en est arrivé dernièrement, nous a appris qu’un Mousoungou s’y était rendu sain et sauf, par une route qu’il nous a dite ; et nous avons pensé que le chemin, qui avait été bon pour un blanc, le serait également pour nous. On prend maintenant cette route par centaines pour aller dans l’Oujiji.

— C’est moi qui l’ai ouverte.

— Vous ? Pas possible ; le Mousoungou s’est fait tuer en se battant contre les Vouazavira.

— C’est Njara ben Khamis, qui aura dit cela, mon ami. Mais voici, continuai-je en montrant Livingstone, voici l’homme blanc, mon père[1], que j’ai trouvé à Oujiji, et qui vient avec moi dans, l’Ounyanyembé pour y prendre son étoffe. Ensuite il retournera à la grande eau

— C’est bien étonnant.

— Qu’as-tu à me dire du compagnon que j’ai laissé à Kouihara, dans la maison du fils de Sélim, maison qui était la mienne ?

— Il est mort.

— Dis-tu vrai ?

— Assurément ; rien de plus vrai.

— Depuis combien de temps ?

— Depuis des mois.

— Qu’est-ce qui l’a fait mourir ?

— La fièvre.

— Y a-t-il d’autres morts parmi les gens de ma suite ?

— Je ne sais pas.

— Assez, » murmurai-je. Et l’esclave s’en alla.

« Je vous en avais prévenu, dit Livingstone, en réponse à mon regard éploré. Les ivrognes, de même que les débauchés, ne peuvent pas vivre dans cette région.

— Ah ! docteur, m’écriai-je, nous étions trois ; en voilà deux de partis ; le troisième n’ira pas loin, si cette fièvre continue.

— Vous n’y songez pas, reprit-il ; si la fièvre avait dû vous emporter, elle l’aurait fait à Oujiji, lors de cet accès vraiment très-grave. N’ayez pas de ces idées-là. Votre fièvre n’est maintenant qu’un effet de l’humidité. Je ne voyage jamais pendant la saison

  1. Dans cette région, c’est une politesse de désigner les vieillards par le nom de aba, qui veut dire père.