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Pour la fièvre, Livingstone prescrit une pilule composée de trois grains de résine de jalap et de deux grains de calomel, avec teinture de cardamome, à dose strictement suffisante pour prévenir l’irritation de l’estomac. Il fait prendre cette pilule au moment où l’on sent les premières atteintes de cette langueur et de cette fatigue excessives qui, en Afrique, sont les avant-coureurs de la fièvre. Une ou deux heures après, il donne une tasse de café noir, sans sucre, afin d’activer l’action du médicament. La quinine est administrée par lui en même temps que la pilule ; mais si faible que soit mon expérience, comparativement à la sienne, elle m’a fourni la preuve que ce fébrifuge n’a d’efficacité que lorsque le purgatif a produit son effet.

Un missionnaire bien connu, qui est à Constantinople, recommande aux voyageurs de s’administrer d’abord trois grains d’émétique. Le révérend oublie peut-être qu’il s’adresse à des gens dont l’organisation est le plus souvent fort détraquée ; et, bien qu’en certains cas son remède ait pu réussir, il est trop violent pour un homme affaibli par un séjour en Afrique. Je me suis fidèlement soigné trois ou quatre fois par cette méthode ; et en conscience je ne peux pas en faire l’éloge. J’en reconnais cependant la bonté dans les cas d’urticaire ; mais alors une pompe stomacale produirait le même résultat.

Nous pûmes enfin partir ; et le 27 nous nous mîmes en route pour Misonghi. À moitié chemin je vis la caravane se débander progressivement, homme par homme, du premier jusqu’au dernier. Bientôt mon âne se mit à ruer avec fureur, et je compris la débandade en me trouvant au milieu d’une nuée d’abeilles, dont trois ou quatre se posèrent tout à coup sur mon visage et me piquèrent horriblement. Ce fut pendant quelques minutes une course folle de la part des gens, non moins que des bêtes.

Craignant que Livingstone eût de la peine à nous suivre, car il avait encore les pieds malades, et l’étape, ce jour-là, était d’une longueur exceptionnelle, je lui envoyai quatre hommes avec la civière. Mais le vieux héros ne voulut jamais se laisser porter ; et il arriva bravement, ayant fait ses dix-huit milles (vingt-neuf kilomètres). Les abeilles s’étaient abattues dans ses cheveux ; il avait la tête et le cou dans un état pitoyable ; mais quand il eut pris sa tasse de thé, il fut d’aussi belle humeur que s’il n’avait eu ni fatigue, ni souffrance.

Nous nous arrêtâmes un jour à Mréra (Oukonongo central), pour moudre du grain et pour réunir les provisions que ren-