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obligé de ramper. Une demi-heure de cet exercice me fit arriver à cent quarante pas d’une troupe de zèbres, qui jouaient et se mordillaient les uns les autres à l’ombre d’un gros arbre.

Je me levai subitement ; leur attention fut éveillée. Mais la carabine était à l’épaule ; et, bong, bong ; deux beaux zèbres, un mâle et une femelle tombèrent sous mes deux coups. Ils furent égorgés en moins d’une minute ; et une douzaine de mes gens, bientôt accourus, exprimèrent leur joie par un flux de compliments adressés au raïfle ; très-peu au chasseur.

De retour au camp, je reçus les félicitations de Livingstone, que j’estimais bien davantage, car il s’y connaissait.

Dépouillés et détaillés, les deux zèbres nous donnèrent sept cent dix-neuf livres de viande, qui, réparties entre nos quarante-quatre hommes, firent un peu plus de seize livres par tête.

Chacun était dans la jubilation. Bombay surtout ; il avait rêvé la nuit précédente que j’abattais deux animaux de mes deux balles ; et quand il m’avait vu partir avec le merveilleux raïfle, il avait si peu douté du succès, qu’il avait dit à ses hommes de me rejoindre au premier coup de feu, sans attendre le signal convenu.

J’extrais de mon journal les lignes suivantes :

20 janvier. Jour de halte. Sorti pour chasser, je vis immédiatement une bande de onze girafes. Après avoir traversé la Mpokoua, je parvins à m’approcher de l’une d’elles, que je tirai à cent cinquante pas. La bête fut blessée et n’en prit pas moins la fuite ; ce qui me désola ; car je désirais vivement en avoir la peau.

Dans l’après-midi, j’ai vu encore six girafes, et sans plus de résultat. Le coup avait porté ; j’aurais affirmé qu’il était bon ; mais comme la première fois, la bête se détourna avec la majesté d’un clipper qui vire de bord, et disparut.

Quelles singulières créatures ! Quand elles courent on les croirait disloquées ; leurs mouvements ont une gaucherie bizarre ; quelque chose des contorsions d’une nautch indienne, ou d’une danseuse de Thèbes, — un vague ondulement, que semble partager même la queue, avec sa longue frange de crins noirs. Mais qu’elles sont remarquables, ces créatures ! et que de beauté ont leurs grands yeux limpides !

Livingstone attribua mon insuccès à mes balles de plomb, qui n’étaient pas assez dures pour traverser le cuir épais de la girafe, et il m’a conseillé d’y mêler du zinc pour leur donner plus de ré-