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riété de leurs anecdotes cynégétiques, dont le récit n’est pour moi qu’une fanfare de plume[1].

Le 13, nous franchîmes les crêtes de plusieurs chaînes ; séries de montées et de descentes qui nous révélèrent des monts et des vallées complètement inconnus, des torrents gonflés se précipitant vers le nord, et des forêts dont les lueurs crépusculaires n’avaient jamais éclairé les pas d’un blanc.

Même scènerie le lendemain ; toujours des chaînes longitudinales, parallèles au lac, offrant, du côté de l’est, des alternances d’escarpements abrupts et de terrasses ; énormes gradins sortant de vallées profondes, tandis qu’à l’ouest, les versants, moins raides, forment des pentes continues. Tels sont les traits particuliers de l’Oukahouendi, qui envoie ses eaux dans le lac Tanganika.

En traversant l’une de ces profondes vallées, nous passâmes ce jour-là au milieu d’une colonie de singes à barbe rousse, dont les hurlements ou les mugissements coururent de rocher en rocher dès qu’ils nous aperçurent. Impossible d’approcher d’eux ; au

  1. Qu’il y ait parmi les touristes beaucoup de hâbleurs, et que maints sportsmen aiment à broder leurs aventures, rien n’est plus vrai ; il ne leur est pas nécessaire d’être allés au bout du monde pour en donner la preuve. Chacun de nous a entendu pareille fanfare au sujet d’un lièvre ou d’une caille ; cela empêche-t-il que des faits de chasse, plus étonnants qu’on ne saurait les imaginer, s’accomplissent tous les jours ? Le mot impossible est grave à prononcer ; et nous regrettons de voir M. Stanley, qui nous est très-sympathique, lui que nous avons défendu tout d’abord contre l’insultante incrédulité des autres, nous regrettons de le voir envelopper dans ce reproche de mensonge tous ces Hercules, aussi adroits qu’intrépides, qui ont visité le nord et le sud de l’Afrique. Les Oswald, les Vardon, les Harris, les Delegorgue, les Gérard, les Baldwin, les Baker, et tant d’autres, savent parfaitement dire leurs échecs, et n’ont pas besoin de broder leurs exploits. Après tout, mieux vaut être dupe des bravaches, toujours faciles à reconnaître, que de désespérer un homme de cœur par un injuste démenti. Levaillant, cet observateur si rigoureux, avait inventé la girafe, et Du Chaillou le gorille. C’est d’ailleurs un grand tort que de dires en Afrique telle ou telle chose est ainsi, quand partout les faits varient à chaque pas, quand la moindre circonstance suffit à les modifier, et quand ils ne diffèrent pas seulement suivant les lieux, mais encore selon les facultés, les études, les antécédents de celui auquel on les conteste. Qu’on ait tué des antilopes à six cents yards, nous n’en savons rien ; mais s’il est impossible d’en viser une à cette distance dans les forêts africaines, même en lieu découvert, sur la ligne qu’a suivie notre auteur, où l’air embrasé ou humide voile bientôt l’horizon, il n’en est pas de même dans les vastes plaines de l’Afrique australe, où l’écueil est de croire la bête voisine quand elle est hors de toute portée. Ce mot d’antilope est en outre bien vague ; s’agit-il d’une gazelle, ou d’un élan, qui est plus haut qu’un bœuf ? Quant à l’éléphant tué d’une balle au front et à bout portant, le fait est réel ; seulement il n’est possible qu’avec l’éléphant indien. C’est ainsi que Baker tuait l’énorme bête à Ceylan (voir Rifle and hound in Ceylan). Chez lui la certitude du coup était si grande, qu’il y risqua sa vie lorsqu’il voulut appliquer cette méthode à l’éléphant d’Afrique. On trouvera la raison de cette différence dans The Nile tributaries of Abyssinia, p. 327 et 591). (Note du traducteur.)