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africaine. En voyant sa trompe allongée comme un doigt menaçant, je crus entendre une voix me dire : Siste venator ! Procédait-elle de mon imagination ou de Kaloulou, qui devait avoir crié en prenant la fuite ? Car il s’était sauvé, le drôle, et avec mon arme de rechange !

Toujours est-il que, revenu de ma surprise, je songeai également à la retraite, comme au seul parti à prendre, n’ayant à la main qu’un petit raïfle, chargé de cartouches traîtresses et ne portant que des chevrotines.

Quand je me retournai, le colosse agitait sa trompe d’une manière approbative, qui signifiait évidemment : « Adieu, jeune homme ; vous avez bien fait de partir ; j’étais sur le point de vous piler comme une amande. »

Tandis que je me félicitais de l’heureuse issue de l’aventure, une guêpe fondit sur moi, et me planta dans le cou son aiguillon, qui fit disparaître tout le plaisir que je m’étais promis de la chasse.

Je revins au camp, où je trouvai mes hommes de fort mauvaise humeur ; ils n’avaient plus de provisions, et il leur fallait au moins trois jours de marche pour gagner le premier village. Avec l’imprévoyance habituelle aux gloutons, ils avaient mangé tout leur grain, toute leur viande, — buffle et zèbre, — et criaient maintenant famine.

Les traces d’animaux étaient nombreuses ; mais pendant les pluies le gibier s’éparpille, et il est très-difficile de le voir. En temps de sécheresse, nous aurions eu de la viande fraîche tous les jours.

Vers six heures de l’après-midi, comme nous prenions le thé, Livingstone et moi, une troupe de douze éléphants passa à peu près à huit cents mètres. Asmani et Mabrouki furent immédiatement envoyés à leur poursuite. J’y serais allé moi-même avec la pesante carabine, si j’avais été moins las ; mais je n’en pouvais plus. Bientôt des coups de feu retentirent, et nous fûmes pleins d’espoir ; nous voyions déjà l’énorme quantité de viande qui nous arrivait, et nous prenions d’avance un pied de la bête, qui nous composait un rôti aussi copieux que délicat. Mais une heure après nos chasseurs revinrent, n’ayant fait que tirer au colosse un peu de sang, dont ils rapportaient quelques gouttes sur une feuille.

Je ne cesserai de le dire, il faut une excellente carabine pour tuer l’éléphant d’Afrique. Chargé d’une balle de Fraser, adressée