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Rougoufou ; et dès le matin nous nous replongeâmes dans l’herbe, qui nous inondait à chaque pas.

Deux heures de cette marche pénible nous amenèrent à un ruisseau torrentiel, pavé de rochers de syénite que l’action des eaux, dont ils montraient la furie, avait rendus glissants. Il y avait là une grande abondance de champignons d’une largeur énorme.

En traversant le ruisseau, un vieux porteur de l’Ounyamouézizi, que le temps et les fatigues avaient rendu moins solide, tomba sur le roc et brisa sa gourde. L’accent lamentable qu’il eut en s’écriant : « Ma kibouyou est morte ! » (kibouyou veut dire gourde en kinyamouézi) prouva combien cette perte lui était douloureuse.

Après une marche d’une heure et demie, à partir de ce lit rocheux, nous trouvâmes un autre cours d’eau que je pris d’abord pour le Mtambou, en dépit de ma carte qui me montrait mon erreur. Celle-ci venait de la ressemblance des deux localités ; près de nous le même paysage ; et, vers le nord, la même colline que celle que j’avais découverte au nord d’Imréra, en allant au Malagarazi ; colline aux flancs abrupts, au sommet en forme de table, qui m’avait rappelé la montagne de Magdala, dont je lui avais donné le nom.

Rien de fatigant comme la marche dans ce pays rocailleux ; et bien que la course n’eût été que de trois heures et demie, elle avait lassé le docteur.

Le lendemain nous traversâmes plusieurs rangées de hautes collines qui nous offrirent de toute part des scènes d’une beauté merveilleuse, et nous arrivâmes au bord d’un torrent profondément encaissé par d’énormes falaises de grès, entre lesquelles il bouillonnait et mugissait avec la violence d’un petit Niagara.

Ayant vu notre camp s’établir sur un mamelon pittoresque, je pensai qu’il fallait se procurer de la viande ; et je me mis en quête du gibier que semblaient promettre ces lieux sauvages. En conséquence, je pris mon petit Winchester et je suivis le bord du ruisseau.

Il y avait une heure et demie que j’étais en marche ; la contrée devenait de plus en plus intéressante, mais sans m’offrir la moindre proie. Un ravin me donna quelque espérance et ne tint pas sa promesse. J’en gravis l’autre bord, et je restai saisi, on le comprendra : j’étais face à face avec un éléphant aux immenses oreilles, tendues comme des bonnettes, puissante incarnation de la nature