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à des missionnaires, auxquels elle offrirait un siège excellent : assez d’étendue pour contenir un grand village, et dans une position facile à défendre ; un port bien abrité ; des eaux calmes et poissonneuses, où des pêcheries pourraient s’établir ; au pied de la montagne, le sol le plus fécond et pouvant suffire aux besoins d’une population cent fois plus nombreuse que celle de l’île ; le bois de charpente sous la main, tout le pays giboyeux ; enfin, dans le voisinage, des habitants doux et polis, enclins aux pratiques religieuses, et n’attendant que des pasteurs.

De Sigounga, trois heures de marche nous firent gagner l’embouchure de l’Ouhouélasia. Les hippopotames et les crocodiles y étaient en grand nombre ; nous envoyâmes à ces monstres plusieurs coups de fusil pour nous amuser et aussi dans l’espoir d’attirer l’attention de nos marcheurs, dont les mousquets ne s’étaient pas fait entendre depuis notre départ du Rougoufou.

Le lendemain, 3 janvier, nous quittâmes l’Ouhouélasia, et doublant le cap Hérembi, nous entrâmes dans la baie de Tongoué, qui s’étend jusqu’à la pointe du même nom, sur une largeur d’environ vingt-cinq milles. Ourimba, situé dans cette baie, et lieu de notre destination, n’est pas à plus de six milles du cap Hérembi. Se trouvant si près du but, nos matelots redoublèrent de vigueur ; et par des cris, des chants, des éclats de rire, s’encouragèrent mutuellement à faire tous leurs efforts.

Les drapeaux des deux grandes nations anglo-saxonnes se plissaient et flottaient, caressés par la brise ; parfois se rapprochant l’un de l’autre, comme avec tendresse ; puis s’éloignant tout à coup ainsi que deux amants qui n’osent pas s’unir.

Le petit canot de Livingstone était toujours en avant, et son pavillon agitant à mes yeux ses couleurs croisées, semblait me dire : « Allons donc ! allons donc ! l’Angleterre ouvre la marché. » Mais n’était-ce pas son droit ? N’avait-elle pas ici gagné la première place en découvrant le Tanganika ? L’Amérique ne venait qu’après elle.

Bien que l’Ourimba fût un district du Kahouendi, le village qui en portait le nom était peuplé d’émigrés de l’Yombeh ; malheureuses gens qui préféraient le delta du Loadjéri, insalubre entre tous, au voisinage de Pumbourou, chef du Kahouendi-Méridional.

La chasse qu’on leur avait faite les avait rendus craintifs au delà de toute expression ; ils ne voulurent à aucun prix nous laisser entrer dans leur village, ce dont je me félicitai vivement quand j’eus entrevu le foyer de pestilence où ils demeuraient. Je ne crois pas que, dans un rayon de deux milles autour de cette