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chacun au départ d’Oujiji ; nous leur en donnâmes quatre autres, et nous nous éloignâmes du Rougoufou.

De hautes montagnes nous séparaient de la voie de terre et empêchaient toute communication entre nous et notre bande. Il faut savoir que pas un Arabe, pas un Msahouahili n’avait jamais pris la route que suivaient nos hommes ; et nous avancions dans la plus complète ignorance de l’endroit où ils pouvaient être.

Le cap Kivoé, dont la crête déchiquetée, les flancs rapides et couverts de bois, les retraites délicieuses auraient fait chanter un poëte, fut doublé, et nous nous trouvâmes dans la baie du même nom, où le clapotement des vagues nous fit chercher rapidement un refuge derrière le cap de Mizohazy, qui s’avance de l’autre côté de la baie.

Après ce dernier promontoire vient le Kabogo, non pas la terrible montagne dont les rugissements remplissent les indigènes d’un effroi sacré, et dont le tonnerre avait frappé notre oreille à une distance de plus de cent milles ; mais une pointe rocheuse de l’Oukaranga, contre laquelle se sont brisées bien des pirogues. Nous longeâmes le redoutable écueil en rendant grâces au ciel du calme qui régnait alors.

De très-beaux mvoulés croissent près du Kabogo ; et personne n’est là pour en disputer la possession.

Au versant du rocher, dont la surface était lisse, on distinguait nettement la trace de l’eau à trois pieds de hauteur au-dessus du niveau actuel du lac ; preuve évidente que dans la saison pluvieuse le Tanganika monte d’environ un mètre, que l’évaporation lui enlève pendant la saison sèche.

La quantité de rivières dont nous croisâmes l’embouchure pendant cette course, me donna l’occasion de vérifier s’il était vrai, comme je l’avais entendu dire, que le lac eût un courant vers le nord. D’après ce que j’ai vu, le flot brun des rivières est effectivement poussé dans cette direction toutes les fois que le vent souffle du sud-ouest, du sud-est, ou du sud ; mais vient-il à passer au nord, ou au nord-ouest, l’eau trouble des affluents est chassée au midi. Il en résulte pour moi que le Tanganika n’a pas d’autre courant que l’impulsion donnée à ses eaux par le vent qui l’agite.

Trouvant dans un endroit nommé Sigounga, une anse paisible, nous nous y arrêtâmes pour collationner. De hauts versants formaient le fond du tableau, du côté du rivage, et venaient rejoindre la banquette onduleuse et boisée qui les séparait du lac. À l’entrée de la petite baie se voyait une île charmante qui nous fit songer