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près à égale distance des deux rivières, nous vîmes un camp dressé au bord du lac. C’était celui de Mohammed ben Ghérib, un Msahouahili dont j’avais souvent entendu parler au docteur, comme de l’un des musulmans les plus honnêtes et les plus généreux qu’il y eût dans l’Afrique centrale. Mohammed, en effet, me parut être d’une grande bienveillance et sa figure portait une empreinte peu commune : celle d’une entière franchise.

La végétation continuait à être excessive et le paysage intéressant ; à chaque détour c’étaient de nouvelles beautés. Près de l’embouchure du Malagarazi, le calcaire tendre qui forme la plupart des falaises et des promontoires a été curieusement fouillé par les vagues.

Il était deux heures lorsque nous atteignîmes la bouche du fleuve ; nous avions fait dix-huit milles à partir d’Oukaranga. Notre bande n’arriva que trois heures après et accablée de fatigue. La traversée de la rivière fut remise au lendemain, qu’elle employa presqu’en entier.

Pour des civilisés qui s’établiraient dans cet endroit, le Malagarazi aurait l’énorme avantage de les rapprocher de la côte ; il est navigable sur une longueur de près de cent milles, et permettrait, en toute saison, de remonter jusqu’aux villages de Kiala, d’où l’on gagnerait l’Ounyanyembé par une voie directe qu’il serait facile d’ouvrir. Des missionnaires en profiteraient également pour faire des tournées apostoliques dans l’Ouvinza, l’Ouhha et l’Ougala.

Du Malagarazi, trois heures de rames, qui nous tirent doubler les caps pittoresques de Kagongo, de Mviga et de Kivoé, nous amenèrent à l’embouchure du Rougoufou, dont les eaux rapides et limoneuses étaient infestées de crocodiles.

Bêtes et gens furent de nouveau transportées sur l’autre rive.

Le lendemain matin nous envoyâmes le canot chercher des provisions dans deux ou trois villages qui s’apercevaient du bord. Seize mètres d’étoffe nous procurèrent de quoi nourrir les quarante-huit hommes de la caravane pendant quatre jours.

Au moment de repartir, le kirangozi fut informé qu’Ourimba était notre destination ; et il lui fut recommandé de suivre la côte d’aussi près que possible, dans tous les endroits où ce chemin serait praticable. De l’embouchure du Rougoufou au village d’Ourimba — six jours de navigation — il ne se trouve pas un hameau, et conséquemment pas de vivres. En prévision de la famine qui les attendait dans cette solitude, nos gens avaient reçu huit rations