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quaient pas ce phénomène, qui était facile à comprendre : le docteur n’avait jamais eu que de bonnes paroles pour ce vieillard, tandis que les autres, loin de le traiter comme un chef, ne le considéraient même pas comme un homme.

La résidence de Kirindo se trouve à l’embouchure du Liouké, dont, à cette époque, les eaux étaient grandes, et qui, se jetant dans le lac à travers une forêt d’eschinomènes, où il roule paresseusement et s’étale dans la vase, nous offrait une largeur d’un mille et demi.

Cette large embouchure forme la baie d’Oukaranga, ainsi appelée d’un village de ce nom, situé en face de celui de Kirindo, à quelques centaines de pas du lac ; village où nous devions nous arrêter.

Ici, nos marcheurs devaient nous rejoindre ; ils ne se firent pas attendre. Tous les bagages furent sortis de la grande pirogue et arrimés dans le petit canot, où quelques rameurs d’élite se placèrent avec Livingstone, qui passa le premier sur l’autre bord afin d’y surveiller l’installation du camp.

Je restai avec le gros de la bande pour faire garrotter les ânes, de façon à ce qu’ils ne puissent bouger, ce que leur caractère vicieux rendait indispensable. Autrement ils auraient fait chavirer la barque et seraient devenus la proie des nombreux crocodiles qui nous entouraient, dans l’espoir d’une aubaine.

Solidement attachées, nos bêtes rétives furent placées au fond, de la grande pirogue ; puis on embarqua les chèvres, puis les moutons. Enfin un dernier tour me déposa de l’autre côté avec le reste de la caravane. Le passage avait duré quatre heures, et s’était opéré sans accident, bien qu’à proximité dangereuse d’une troupe d’hippopotames. La marche suivante se fit dans le même ordre et de la même manière que celle de la veille : serrant toujours la côte, ou, chaque fois que le vent le permettait, franchissant l’ouverture des nombreuses petites baies qui festonnent le rivage. Celui-ci était d’un vert splendide qu’il devait aux ondées récentes ; et le lac reflétait le bleu du ciel non moins fidèlement qu’un miroir.

Les hippopotames abondaient ; ceux que nous vîmes ce jour-là avaient le cou et la base des oreilles entourés de lignes rougeâtres. Un de ces monstres, venant à sortir de l’eau au moment où nous nous approchions de la rive, et nous voyant fondre sur lui, replongea tout à coup avec une vigueur effrayante, se déployant à nos yeux dans toute sa longueur.

Entre l’embouchure du Liouké et celle du Malagarazi, à peu