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en prévision de la traversée des jungles. La bonne Halimah nous avait préparé un sac de farine de maïs, comme elle seule pouvait le faire dans son dévouement à son maître ; Hamoydah, son mari, l’avait librement assistée dans ce travail d’une si grande importance.

À notre provision de grain et de viande, s’ajoutaient du fromage, du thé, du café ; nous étions largement pourvus d’étoffe ; et nos équipages, formés en partie d’indigènes, qui devaient ramener les pirogues, étaient au complet.

Le 27 décembre arriva ; c’était le jour du départ.

Les canots sont chargés, les rameurs à leurs bancs, le drapeau anglais hissé à l’arrière de la petite embarcation qui va recevoir le docteur ; celui des États-Unis se déploie au-dessus de la nôtre, et livre à la brise ses larges plis qu’elle agite gaiement.

Impossible pour moi de regarder ces bannières sans m’enorgueillir de voir les deux nations anglo-saxonnes représentées sur cette mer intérieure, à la face de cette nature primitive, de ces peuplades sauvages.

Nous sommes escortés par les Arabes. Sur la rive se pressent les gens de Zanzibar, les fils émerveillés de l’Ounyamouézi, les Vouagouhha et les Vouajiji, bouche béante, les Vouaroundi, calmes cette fois et même chagrins de voir partir les hommes blancs — « pour s’en aller où donc ? » Ils le demandent tous.

Les derniers mots s’échangent ; un ou deux quidams s’efforcent de paraître émus et de faire du sentiment, surtout l’affreux Mohammed, ce métis, compagnon du docteur en 1869. Je laisse tomber ses paroles sans rien dire, et ne proteste pas contre l’emphase de sa poignée de main ; mais je ne suis pas fâché de le voir pour la dernière fois ; sa trahison à l’égard de Livingstone m’est toujours présente. Il me charge d’une foule de salaams pour ses amis de l’Ounyanyembé, pour tous ceux que je verrai là-bas. Si je m’acquittais de la commission, on me prendrait pour un imbécile.

Nos pirogues furent repoussées du banc d’argile, qui est au bas de la place du marché ; et je dis un adieu probablement éternel au port d’Oujiji, dont le nom est à jamais consacré dans ma mémoire.

Conduits par Asmani et par Bombay, nos hommes marchaient sur la rive que nous suivions d’aussi près que possible. Leurs charges, formant notre cargaison, ils étaient sans fardeau, et se hâtaient, afin de nous rejoindre à l’embouchure des rivières, où il était convenu que nous les attendrions pour les passer.