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m’arrivait depuis que j’étais en Afrique. L’accès qui lui succéda se prolongea pendant quatre jours, avec rémittence ; ce qui est le genre de fièvre le plus dangereux, celui qui a fait tant de victimes parmi les explorateurs des rives du Zambèse, du Nil blanc, du Congo et du Niger.

Ce terrible accès était le quatrième depuis ma réunion avec Livingstone. L’activité de là marche, l’espoir de réussir, l’impatience d’arriver, la surexcitation causée par les obstacles, m’avaient préservé du mal pendant la dernière partie du voyage ; mais dans le repos qui suivit le grand événement, tous les ressorts se détendirent et la fièvre ne trouva plus de résistance.

Arriva le jour de Noël ; célébrer la fête par un grand repas, suivant l’usage des pays anglo-saxons, avait été convenu entre le docteur et moi. La fièvre m’avait quitté la veille ; et dès le matin, bien que d’une extrême faiblesse, j’étais sur pied, chapitrant Férajji, tâchant de lui faire comprendre la solennité du jour, et d’inculquer à cet animal trop dodu quelques-uns des secrets de l’art culinaire.

Œufs frais, mouton gras, chèvre, laitage, fleur de farine, poisson, patates, oignons, bananes, pombé, vin de palme, etc., etc., avaient été pris au marché, ou procurés par le bon vieux cheik Moéni Khéri. Mais hélas ! j’étais trop faible pour surveiller la cuisine ; et le rôti fut brûlé, la tarte mal cuite, le dîner manqué. Si Férajji, le sacripant à cervelle obtuse, ne fut pas fouaillé, c’est que je n’en avais pas la force. Mon regard seul put lui témoigner ma colère, un regard qui eût foudroyé un homme de cœur ; mais le traître se mit à rire, et profita, je crois, du rôti, des pâtés, des entremets, de tout ce que sa négligence avait rendu immangeable pour des civilisés.

Nous n’avions plus qu’à partir. Séid ben Médjid, à la tête de trois cents hommes, ayant tous des mousquets, avait quitté Oujiji pour aller attaquer Mirambo, le noir Bonaparte qui lui avait tué son fils. Un beau guerrier que ce vieux chef intrépide, altéré de vengeance, et tenant à la main son fusil d’une longueur de sept pieds. Il s’était mis en marche le 13 décembre ; nous étions alors sur le Tanganika ; mais avant de s’éloigner il avait donné des ordres pour qu’on nous laissât l’usage de son canot. Une seconde pirogue beaucoup plus grande, nous était gracieusement prêtée par Moéni Khéri. J’avais acheté des ânes, dont l’un était destiné au docteur, dans le cas où la marche lui deviendrait pénible. Nous avions des chèvres laitières et quelques moutons gras,