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C’était moi qui allais diriger la caravane, ce qui m’imposait le devoir d’étudier sérieusement les différents chemins parmi lesquels il y avait à choisir. Je ne me dissimulais pas, qu’en me chargeant d’escorter un pareil homme, j’assumais sur ma tête une lourde responsabilité. Outre mes sentiments personnels, très-engagés dans la question, quels reproches ne me seraient pas adressés en cas de malheur !  Ah ! dirait-on, s’il n’avait pas accompagné Stanley, il vivrait encore. »

Je pris donc la carte que j’avais faite, — elle m’inspirait toute confiance — je traçai d’après elle le plan d’une route qui nous permettrait d’échapper au tribut, sans nous offrir d’autre inconvénient que celui des fourrés dont elle était couverte.

Cette route paisible nous conduirait d’abord au cap Tongoué, que nous atteindrions par le lac, en suivant la côte de l’Oukaranga et celle de l’Oukahouendi. Arrivés au Tongoué, nous serions sous le parallèle d’Itaga, village du sultan d’Imréra ; et nous rejoindrions mon ancienne route à l’endroit où le pillage des Vouahha et des Vouavinza n’était plus à craindre. Si je gagnais Imréra, ainsi que je me le proposais, ce serait en outre la preuve de l’exactitude de ma carte. Le docteur, auquel je soumis ce projet, en ayant reconnu les avantages, et le croyant praticable, il fut décidé que nous prendrions cette ligne.

Depuis le 13 décembre, époque de notre retour de l’embouchure du Roussizi, Livingstone n’avait pas cessé d’écrire, préparant les lettres qu’il voulait me confier, et reportant sur son énorme journal les notes que renfermaient ses carnets. Tandis qu’il se livrait à ce dernier travail, je profitai des moments où il réfléchissait aux régions qu’il avait parcourues, pour faire le portrait ci-joint, portrait devenu fort ressemblant, grâce à l’artiste, qui, par intuition, a vu les défauts de mon esquisse et les a corrigés d’une façon très-exacte.

Dès le premier jour Livingstone avait écrit à M. Bennett les pages qui contiennent ses remercîments, et auxquelles je le priai de ne rien ajouter, l’expression de sa gratitude y étant pleine et entière. Je connaissais trop bien M. Bennett pour ne pas être sûr qu’il en serait satisfait ; car la nouvelle de l’existence du voyageur était pour lui ce qu’il y avait de plus précieux.

Dans la dernière quinzaine de décembre, ce fut à ses enfants, à Murchison, à lord Granville, que le docteur écrivit. Il voulait aussi écrire au comte de Clarendon ; et ce fut pour moi une chose douloureuse d’avoir à lui annoncer la mort de cet homme de mérite.