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Je lui parlai ensuite des autres fidèles du capitaine Speke. Il n’y en avait plus que six dans la ville. Ferajji, Mektab, Sadik, Sangourou, Manyou, Matadjari, Mkata et Almas étaient morts. Oulédi et Mtamani se trouvaient dans l’Ounyanyembé ; Hassan à Quiloa, et Férahan dans l’Oujiji, du moins on le présumait.

Des six que je pouvais avoir, et qui chacun avaient gardé la médaille attestant qu’ils avaient pris part à la découverte des sources du Nil, Mabrouki était devenu infirme, par suite d’une horrible aventure.

Il possédait une maison, avec jardin y attenant, ce dont il était fier. À côté de lui demeurait un soldat de Sa Hautesse possesseur d’un pareil domaine. Mabrouki n’est pas d’humeur facile ; les deux voisins étaient mal ensemble ; et après une querelle assez vive, le soldat résolut d’infliger à son ennemi intime un traitement qu’un Africain pouvait seul concevoir. Il alla chercher trois camarades ; à eux quatre, ils s’emparèrent du voisin et l’attachèrent par les deux poignets à une branche, où, après l’avoir torturé à loisir, ils le laissèrent pendu. Vers la fin du second jour, le malheureux fut découvert par hasard, dans l’état le plus pitoyable ; ses mains étaient gonflées d’une horrible façon : les veines en avaient éclaté. Inutile de dire que, l’affaire étant venue aux oreilles du sultan, les coupables furent sévèrement punis. Le docteur Kirk dont l’infortuné, avait reçu les soins, était parvenu à rendre à l’une des mains quelque chose de sa forme primitive ; mais l’autre, un affreux moignon, ne pouvait plus servir.

Malgré son impotence, malgré sa laideur et sa vanité, malgré tout ce qu’en avait dit Burton[1], j’engageai Mabrouki, par cela seul qu’il avait accompagné Speke, et lui avait été fidèle. Qu’il mit sa langue à mon service, qu’il en fit usage à propos et eût l’œil ouvert, cela suffisait pour qu’il pût m’être utile.

Bombay, capitaine de l’escorte, me procura en outre dix-huit volontaires, qui, disait-il, ne déserteraient pas, et dont il se portait garant. C’étaient de fort beaux hommes, paraissant avoir beaucoup plus d’intelligence que je n’en aurais supposé à de sauvages Africains. La plupart étaient de l’Ouhihyou ; les autres de l’Ounyamouézi ; quelques-uns de l’Ouségouhha et de l’Ougindo.

Leur solde fut convenue à trois dollars par mois. Chacun d’eux

  1. Voir Burton, Voyage aux grands lacs de l’Afrique Orientale. Librairie Hachette, 1862, p. 121.