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Ce lieu public, nommé vouanza, ou uvouanza[1], est généralement situé sur l’un des côtés intérieurs du village, pans les instants de loisir, et il est rare qu’il y en ait d’autres pour les gens du tembé, les membres de l’assemblée, accroupis sur leurs talons, fument en causant de choses et d’autres ; par exemple, du Mousoungou, dont l’arrivée et les moindres gestes fournissent des sujets de conversation intarissables ; mais, quel que soit leur étonnement à son égard, pas un d’eux n’a l’impertinence de mettre en doute sa qualité d’homme blanc, ni de contester ses assertions, comme certaines gens l’ont fait en Europe.

Un homme a un fer de lance à aiguiser, un poignard à décorer, un manche de serpe à faire, une pipe à fumer ou quelque chose â dire, il entre au Vouanza. Si la place est déserte, il se hâte de terminer sa besogne ; puis il va rejoindre le groupe établi sous le gros arbre qu’il y a dans presque tous les villages ; et, assis à l’ombre, il se livre à son amour pour la conversation. Le vouanza est dans cette province ce que l’Agora était pour les Athéniens, ce que la bourse est pour les habitants des capitales modernes.

Il ressort des lignes précédentes que les Vouanyamouézi aiment beaucoup à fumer. En examinant les planches ci-jointes, on verra combien ils déploient d’habileté dans le façonnage de leurs pipes. Nous ferons observer que les différents modèles que retrace la gravure offrent beaucoup de similitude avec ceux qu’on trouve chez les Indiens de l’Amérique du Nord. Ces derniers emploient pour le fourneau une stéatite rouge, et les Vouanyamouézi, quand ils le peuvent, une stéatite noire, qui se rencontre dans l’ouest de l’Ousoukouma. Mais comme cette pierre tendre est difficile à obtenir, ils la remplacent par un mélange d’argile noire et de pailla hachée excessivement menu.

Le tabac dont ils font usage n’est pas de qualité supérieure. Il est mis en pains, comme celui d’Abyssinie, et de la même forme. Un de ces pains, du poids de trois livres, coûte un doti, ou quatre mètres d’étoffe. Pour le même prix, vous avez une pipe en stéatite, avec le tuyau richement décoré de fil de laiton.

Au lieu de tabac, les indigènes fument souvent du chanvre ; ils se serrent alors d’un narghilé très-primitif, simplement une gourde emmanchée d’un bâton creux. Il suffit d’une ou deux inha-

  1. Incanza de Burton, qui probablement a conservé l’i anglais, dont parfois le son est très-vague, et que Stanley, dans cette circonstance, a représenté par un u (uwanza) non moins indéterminé. (Note du traducteur.)