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« La jeune fille peut-elle oublier sa toilette ? » dit le proverbe. Dans l’Ounyamouézi il parait que non. Du jour où elle peut dire mama, sa parure est l’objet de sa constante sollicitude. Elle se plaît à regarder les jolis rangs de perles vertes, jaunes, rouges et blanches que fait si bien ressortir la sombre teinte de ses petits bras. Elle aime à enrouler sur ses doigts les grands colliers de perles diverses qui lui couvrent la poitrine, ou bien à jouer avec ceux qu’elle a autour de la taille ; elle les met dans ses cheveux, et se montre radieuse quand on lui dit que cela lui va bien. Son rêve est d’avoir une ceinture en fil de laiton, alors même que cette brillante spirale n’a pas de vêtements à retenir. Elle attend son mariage avec impatience, afin de posséder un morceau d’étoffe dont elle se drapera le corps, et de pouvoir donner ses volailles aux Arabes, en échange du clinquant dont ils disposent.

Les réunions que forment entre elles les dames anglo-saxonnes, pour prendre le thé, sont d’antique origine. Elles étaient en vogue dans l’ancienne Égypte, sous le règne des Pharaons. Qui donc en voyant les peintures murales de Memphis-la-Retrouvée, n’a remarqué les cercles féminins qu’elles représentent ? J’ai vu ce genre de symposia en Abyssinie, contrée où les anciens usages sont excessivement tenaces. L’Ounyamouézi offre le même spectacle ; et j’ai rarement contemplé des visages exprimant un bonheur aussi parfait que ceux des femmes d’un tembé kinyamouézi, réunies au coucher du soleil pour s’entretenir des événements du jour.

Chacune, assise sur un petit escabeau, a près d’elle sa fille, plus ou moins adolescente, qui, pendant que ces dames babillent et fument, emploie ses doigts agiles à convertir la chevelure maternelle en séries nombreuses de petites nattes et de tire-bouchons. Les plus âgées entament la causette, qui s’expédie avec la volubilité d’un gazouillis d’hirondelles. L’une rapporte que sa vache a tari complètement ; l’autre, combien le Mousoungou lui a payé son lait ; celle-ci raconte ce qui lui est arrivé en piochant ; celle-là trouve étonnant que son mari ne soit pas revenu de la résidence du mtémi, où il est allé vendre du grain, etc., etc.

Tandis que les femmes se livrent à la joie de cet innocent bavardage, les pères de famille sont au club des jeunes gens, dans un endroit où le prix des marchandises et la politique du canton sont discutés avec non moins de pénétration et de sens que pareils sujets peuvent l’être en pays civilisés.