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dans la ville américaine à se réembarquer moyennant plus forte solde ; et le Mnyamouézi repart de la côte avec un salaire plus élevé que celui qu’il touche pour venir de cher lui au bord de la mer.

Il est en si grande faveur, qu’on lui donne pour se rendre dans l’Ounyanyembé, trente-six mètres de cotonnade au minimum ; et jusqu’à cent mètres qui, sur les lieux, valent deux cent cinquante francs. Une centaine de ces pagazis coûtera donc au voyageur dix mille mètres d’étoffe pour un voyage de trois mois ; ce qui à Zanzibar représente vingt-cinq mille francs en numéraire. Toutefois avec de la patience et une économie rigide, on peut se procurer le même nombre d’hommes pour trois mille dollars, soit quinze mille francs.

Le Mnyamouézi étend ses voyages des rives du Loualaba aux monts du Karagoueh. Entre ces limites, on le rencontre partout : dans les forêts de l’Oukahendi, sur les hauteurs de l’Ouganda, dans les champs de l’Ougogo, les plaines de l’Ourori, les parcs de l’Oukonongo, les marais de l’Ouségouhha, les défilés d’Ousagara, les déserts d’Oubéna ; chez les pasteurs Vouatouta, au bord du Roufidji, aux environs de Quiloa ; partout vous le retrouvez chargé de cotonnades du Massachussets, de calicot et de fil métallique d’Angleterre, d’indiennes de Mascate, d’étoffes du Cotch, de verroterie d’Allemagne.

En caravane il est docile ; chez lui d’humeur joyeuse ; trafiquant pour son compte, il est plein d’habileté et de finesse ; aventurier, il se montre audacieux et sans scrupule ; c’est le rouga-rouga de Mirambo. Dans l’Oukonongo et dans l’Oukahouendi il est chasseur ; dans l’Ousoukouma, fondeur de fer et conducteur de bétail ; dans le Londa, chercheur d’ivoire énergique ; sur la côte, frappé d’étonnement et de respect.

Malheureusement la race diminue, ou bien elle émigre. Il y a dans le pays de grands espaces déserts, tels que le Poubouga, le Mgongo Tembo, le Kigoua, l’Outanda, le Mfouto, le Massangé, le Vouilyankourou. Des causes évidentes expliquent trop bien cette dépopulation ; d’une part, l’état de guerre permanent qu’entretiennent les chefs ; de l’autre, les fatigues, les misères du voyage.  Sur dix crânes que l’on rencontre dans le sentier des caravanes, huit au moins appartiennent à des Vouanyamouézi.

L’esclavage, avec ses horreurs, ajoute à leur extermination et les démoralise. Il est affreux de songer que de pareilles gens peuvent disparaître, comme ont fait les Makololos, dont la vaillante