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chette à l’usage des pères de famille et des jeunes gens qui aiment leurs aises. Enfin les Vouarori des bords du Roufidji en construisent leurs canots.

Le mvoulé est cet arbre superbe dans lequel se font les pirogues du Tanganîka, pirogues dont la longueur est quelquefois de beaucoup plus de soixante pieds. L’Ouvira, l’Ouroundi, l’Ousohoua possèdent de très-beaux échantillons de l’espèce, et en nombre considérable ; mais c’est en face d’Oujiji, dans les ravins d’Ougoma, que le mvoulé atteint ses plus grandes dimensions.

Abattre un de ces géants et le transformer en canot, est une lourde tâche. Il faut plus de trois mois au constructeur pour mettre l’énorme bille en état d’être lancée. Pendant l’excavation, l’ouvrier fait avec ses copeaux une série de feux le long du côté supérieur, et il appelle à son aide quelques amis qui l’assistent moyennant une légère quantité de grain ou d’huile de palme.

Son œuvre terminée, il brasse plusieurs pots de bière et invite tous ses voisins au lancement de la pirogue. Après chaque effort, tout le monde se régale ; puis on se remet à la besogne en vociférant ; et de libation en libation, le canot arrive au lac.

Le prix d’une grande pirogue est d’une balle d’étoffe, contenant cent vingt dotis. Mais les Arabes, voire les indigènes, qui veulent faire cet achat, se pourvoient d’un assortiment d’objets d’échange, tels qu’une douzaine de jarres d’huile de palme, une douzaine de chèvres, des coupons d’étoffes diverses, quelques houes, plusieurs sacs de grain et de sel. De cette manière, ils ont leur canot à meilleur marché.

L’huile de palme est tirée des fruits de l’élaïs, si nombreux au bord du lac. Ces fruits, suspendus en grappes énormes, qui rappellent les régimes des dattiers, sont écrasés, puis soumis à l’ébullition. Après le refroidissement, l’huile est recueillie dans de grands pots de terre d’une contenance de neuf à vingt-cinq litres. Pour un doti on a l’un des plus grands pots de cette huile, qui ressemble à du beurre mou, dont la teinte serait rougeâtre. Les indigènes emploient l’huile de palme dans leur cuisine.

De la séve du même palmier, les riverains du Tanganika obtiennent une liqueur enivrante, qu’ils appellent tembo, et qui est beaucoup plus agréable que la bière du pays.

Le bananier abonde également dans tous les villages des bords du lac. Une sorte de vin liquoreux, nommé zogga, est extrait des bananes que, pour cela, on écrase dans les mortiers qui servent à broyer le grain.