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mandé tant de fois de vous en abstenir ? Voyons ! levez-vous. Allons donc ! Vous ne voulez pas ? J’en suis fâché. Voilà pour vous. Encore, encore. »

Souzi ronflait toujours, et les tapes continuaient. À la fin, son cuir ayant fini par en sentir quelque chose, il ouvrit les yeux et comprit la faute qu’il avait commise en usurpant le lit de son maître. Il eut l’oreille très-basse quand il sut que le petit-maître, ainsi qu’on m’appelait, avait eu connaissance du fait.

Le troisième jour, dans la soirée, — nous devions partir le lendemain au lever de l’aurore, — Makamba vint nous faire ses adieux et nous demanda de lui renvoyer notre canot, dès que nous serions arrivés chez Rouhinga, son frère ainé, dont le territoire est au sommet du lac. Ce canot, disait-il, lui était nécessaire. Il nous priait en outre de lui laisser deux de nos hommes avec leurs fusils et des munitions, pour le cas où son ennemi viendrait l’attaquer. Cette double requête nous fit partir immédiatement.

Neuf heures après, nous étions dans le Mougihéhoua, territoire qui a pour chef ce frère aîné de Makamba.

En jetant un regard en arrière, sur le point d’où nous étions partis, nous vîmes qu’au lieu d’aller en ligne droite du levant au couchant, nous avions suivi une diagonale, du sud-est au nord-ouest. En d’autres termes, du Mougéré, qui est à dix milles au moins de l’extrémité nord de la côte orientale, nous avions gagné Mougihéhoua, qui se trouve au point le plus septentrional du côté de l’ouest.

En continuant à suivre le rivage, nous aurions longé le Moukanigi, province de Vouaroumachanya, et l’Ousambara, qui appartient à Simveh, allié du précédent. La diagonale nous épargna les difficultés qui auraient pu résulter pour nous de l’état de guerre dans lequel Vouaroumachanya se trouvait avec Makamba.

Situé à l’embouchure du Roussizi, le Mougihéhoua est une contrée excessivement plate ; sa partie la plus haute n’est pas à dix pieds au-dessus du Tanganika ; et il renferme de nombreuses dépressions, fourrées de papyrus, de matétés gigantesques, et remplies d’eaux stagnantes, d’où s’échappent des torrents d’effluves pestilentiels.

Dans tous les endroits non marécageux, le sol est couvert de riches pâturages où s’élèvent de nombreux troupeaux, surtout des chèvres et des moutons, qui sont les plus beaux et les meilleurs que j’aie vus en Afrique, bien qu’ils ne soient pas comparables aux fins moutons de la Grande-Bretagne ou des États-Unis.