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Le lendemain donc nous quittions Magala pour nous rendre au pays de Makamba.

La frontière de l’Ouroundi proprement dit venait d’être passée ; le territoire dont nous suivions la rive était celui d’Ousigé, lorsque le vent se leva du sud-ouest ; bientôt la pirogue fit de telles embardées, qu’il fallut mettre le cap sur Kisouka, et s’arrêter dans ce village, qui est environ à quatre milles au nord du point où commence le Mougéré, district de l’Ousigé.

À peine avions-nous dressé la tente, qu’un Mgouana, établi chez Makamba, vint nous saluer, et nous mit au courant de la guerre que se faisaient les deux voisins. Cette guerre, qui durait depuis longtemps, n’avait rien de bien terrible. L’un des belligérants entrait chez l’autre, y enlevait quelques têtes de bétail et se retirait après avoir tué un ou deux hommes qu’il avait surpris par hasard. L’autre laissait écouler des semaines ou des mois ; puis il passait chez l’ennemi, y faisait la même capture que celle dont il avait à se plaindre ; et la balance s’établissait au préjudice des deux peuples. Il était bien rare qu’il y eût combat, les Africains étant par nature décidément opposés à toute manœuvre de guerre tant soit peu énergique.

Ces renseignements obtenus, le Mgouna fut questionné sut un point d’un bien autre intérêt ; je veux parler du Roussizi. Prenant alors un air capable, et du ton d’un homme dont la parole ne saurait être mise en doute que par des ânes fieffés, notre personnage affirma que la rivière sortait du lac et se rendait au pays de Mtésa[1]. « Pouvait-il en être différemment ? »

Le docteur semblait à peu près convaincu ; moi j’avais plus de défiance ; l’enthousiasme du Zanzibarite pour une chose qui l’intéressait fort peu, me semblait louche ; ses barikallah ! ses inchallah ! étaient trop fervents ; ses réponses s’accordaient trop bien avec nos désirs.

À cette déposition, il est vrai, s’ajoutait celle d’un autre Mgouana que Livingstone avait rencontré dans le sud, et qui lui avait fait un rapport analogue. Ce Mgouana lui avait dit que le père ou le grand-père de Roumanika, roi actuel du Karagoueh, avait pensé

  1. On doit, croyons-nous, prononcer Mtésé ; Baker, en employant cette dernière orthographe, a eu soin de mettre l’accent aigu sur ses deux voyelles, ce qui prouve son intention de leur donner le son français. Si j’ai écrit Mtésa, c’est parce que le traducteur de Speke l’a fait ainsi (le livre de Baker n’était pas encore publié quand la traduction a été faite), et que l’on pourrait ne pas reconnaître le roi d’Ouganda sous l’autre nom.(Note du traducteur.)