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Tout désolés de cette perte irréparable, nous n’en partîmes pas moins à l’heure habituelle ; et nous continuâmes à nous diriger vers le nord, en suivant toujours la côte. Nous longeâmes ainsi les convexités alluviales que forment à leurs embouchures le Kigouéna, le Kikoumou, le Kisounoué ; et quand l’intérieur d’une baie semblait promettre quelque vue intéressante, nous y entrions pour en suivre les contours. C’était partout la même scène, la même richesse ; toujours des rivières, sortant des ravins ; toujours des terrains féconds où prospérait l’élaïs ; toujours des palmiers, des bananiers, des villages sous leur ombre et entourés de cultures.

De temps à autre, nous passions devant une bande de sable, ou couverte de galets, petite plage convertie en marché pour la vente du poisson et des principaux produits des localités voisines. Puis nous retrouvions des fourrés de papyrus et de roseaux recouvrant les marais qu’ils avaient formés en arrêtant la rivière ; ou bien les montagnes plongeaient à pic dans le lac, et se repliaient en courbes profondes, remplies d’une alluvion de huit à dix milles de large.

Continuellement se voyaient des pirogues, nageant au long du ressac, en dépit d’un chavirement possible qui eût fait tomber l’équipage dans la gueule des crocodiles. L’un de ces canots était-il à peu de distance, nos hommes se mettaient à chanter, faisaient force de rame et tâchaient de passer devant. Piqués au jeu, les autres redoublaient de vitesse ; et debout, complètement nus, pagayant avec ardeur, nous offraient une belle occasion de faire des études d’anatomie comparée.

Plus loin, un groupe de pêcheurs, indolemment couchés sur la grève, in puris naturalibus, suivaient d’un œil curieux les pirogues qui glissaient dans le voisinage.

C’était ensuite une flottille de canots, dont les propriétaires se reposaient dans leurs cases, ou pêchaient à la ligne, ou préparaient activement leurs filets.

Des enfants s’ébattaient dans l’eau, sous les yeux de leurs mères, qui, assises à l’ombre, applaudissaient à leurs jeux pleins de hardiesse ; d’où je suppose que les crocodiles ne sont communs dans le lac qu’à l’embouchure des rivières d’une certaine importance.

Entre les caps de Mouremboué et de Kisounvoué, distants de quatre à cinq milles l’un de l’autre, et que sépare un terrain plat, rivage de sable et de cailloux, habite une population nom-