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le pays, il ne prendra qu’une soixantaine de ces pièces d’or pour l’aller et le retour, puisque cette monnaie lui sera inutile chez les peuples voisins.

Mon anxiété, à ce propos, était des plus vives ; j’étudiais constamment ces noms d’objets et de mesure, dans l’espoir d’arriver si les comprendre. Je retournais dans mon esprit ces mots barbares : moukongourou, soungomazzi, kadoundougourou, moutanda, goulabio, lakhio, boubou, mérikani, hafdé, lounghio-réga, samé-samé, jusqu’à en être hors de moi-même. Finalement, j’en vins à cette conclusion qu’il me fallait par jour cinq foundos[1], c’est-à-dire cinquante khétés, ou rangs de perles d’une coudée chacun, soit trente-sept mille pour deux ans ; je pensai en outre que onze variétés pourraient me suffire. L’acquisition eut lieu d’après ce calcul, et vingt-deux sacs de verroterie des meilleures espèces, bien et dûment emballés, me furent envoyés au consulat.

Après la rassade, le fil métallique. Dans la zône où j’allais entrer, les grains de verre remplacent la monnaie de cuivre ; l’étoffe, la monnaie d’argent ; et au delà du Tanganika, le fil de laiton représente la monnaie d’or.

Je finis par découvrir, non sans peine, que les numéros 5 et 6, à peu près de la grosseur des fils télégraphiques, étaient les plus convenables ; et qu’avec dix frasilahs (trois cent cinquante livres de ce précieux fil, j’aurais amplement ce qui m’était nécessaire.

Ces achats terminés, ce ne fut pas sans un certain orgueil que j’inspectai mes ballots, rangés et empilés dans le vaste magasin du capitaine Webb. Ma tâche cependant n’était que commencée ; il me fallait encore des provisions de bouche, des ustensiles de cuisine, des sacs, des tentes, de la corde, des ânes et leur équipement, de la toile, du goudron, des aiguilles, des outils, des armes, des munitions, des médicaments, des couvertures : un millier de choses à se procurer.

Le marchandage avec les Banians, les Arabes, les Hindis, les métis, ces traitants sans cœur, était pour moi une cruelle épreuve. Ainsi les ânes, — et j’en achetai vingt-deux, — qu’on m’avait faits deux cents et deux cent cinquante francs pièce, me furent livrés à

  1. Foundo a pour pluriel mafoundo ; lui mettre un s est donc une faute ; mais l’auteur l’employant pour les deux nombres, nous avons cru devoir lui ajouter la marque du pluriel ordinaire. De même que pour frasilah (environ le tiers du quintal), dont le pluriel est farasilah ; c’est faire passer le mot dans notre langue, simplification dont l’usage du mot Touareg, pluriel de Targui, employé au singulier, nous donne l’exemple en sens inverse. (Note du traducteur.)