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neux, et dont les profondes déchirures laissent échapper de nombreux cours d’eau, forme une scène des plus imposantes. À sa base se déploie une large bande alluviale d’une fertilité à défier toute description : des palmiers, des bananiers, des arbres touffus ; et partout des groupes de villages.

Le Louaba, ou Rouaba, qui débouche au nord du cap Kitounda ; le Kasokoué, le Namousinga, la Mchala, qui se jettent au sud du même cap, arrosent cette plaine féconde.

Tous les deltas des rivières que reçoit le Tanganika sont entourés d’une épaisse ceinture de papyrus et de matétés, ceinture qui, à certaines places, acquiert une grande largeur. Au fond de quelques-unes de ces jungles, parfois impénétrables, comme celles des bouches du Louaba et du Kasokoué, sont des étangs paisibles, qui servent de retraite à une multitude de canards, de sarcelles, d’oies, d’ibis, de grues, de pélicans, de cigognes, de bécassines, d’alcyons, etc., que les fondrières, la fièvre et le hallier protègent contre le chasseur.

Au moment de quitter Nyabigma, nous distribuâmes à chacun de nos hommes dix charges de poudre, et autant de balles, pour le cas où les Vouaroundi nous montreraient la haine que leur inspirent les étrangers.

Nous partîmes au point du jour ; moins d’une heure après, nous avions passé le Kitanda. Ce cap est une plate-forme, peu élevée, composée d’un conglomérat quartzeux, et qui, du pied de l’hémicycle où naissent le Louaba et les cours d’eau voisins, se projette à une distance d’à peu près huit milles.

La baie fut traversée, et nous arrivâmes à l’extrémité du cap Kasofou. De là nous découvrîmes une série d’autres caps : le Kigongo, le Katounga et le Bagoulouka, devant lesquels il nous fallut passer pour atteindre la charmante position de Makoungou, où nous nous arrêtâmes. Dans tout ce trajet les villages sont nombreux.

À Makoungou, on nous demanda le tribut. Bien que l’étoffe et les grains de verre m’appartinssent, le docteur, en raison de son âge, de son expérience, de sa grand’maitrise, fut chargé de traiter l’affaire. J’avais eu maintes fois, on se le rappelle, la tâche écœurante de débattre le honga ; j’étais curieux de voir comment le grand voyageur s’acquitterait de cette corvée.

Le matéko, chef de troisième ordre, réclamait deux dotis et demi, soit dix mètres de cotonnade. Livingstone répondit à cela en demandant si l’on ne nous apportait rien ?