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Méprisant donc l’intolérance, l’entêtement, la petitesse d’esprit que résume le mot cooléyisme, Livingstone gardera ses notes ; il le déclare ; et, selon moi, il fait bien.

La Société de Géographie a été instituée pour répandre et pour faire avancer la science dont elle s’occupe ; mais si, obéissant au cooléyisme, elle ferme résolûment l’oreille aux révélations des explorateurs, comment pourra-t-elle accomplir son mandat ? Si les membres qui la dirigent se laissent dominer par d’infimes jalousies, par des idées préconçues, des théories immuables, les voyageurs seront-ils encouragés ? Qui voudra dépenser des milliers de dollars pour dévoiler au monde les mystères des régions inconnues, si la découverte doit en être sacrifiée à certaines hypothèses ?

Je me garderais bien, quant à moi, de me prononcer à cet égard, n’ambitionnant pas d’être plus vilipendé que je ne l’ai été déjà. Je suis mis au ban de la Société par ces messieurs pour avoir fait ce qu’ils auraient voulu qu’un des leurs eût accompli.

Néanmoins, laissez-moi vous le demander, géographes, éditeurs, critiques, revuevistes, détracteurs quotidiens : pendant vos débats, vos luttes, vos théories, vos conjectures. — Bonté divine ! entre vous tous, gentlemen, que serait devenu Livingstone, l’illustre voyageur, si quelqu’un ne lui avait porté aide et consolation, rendu la santé et le confort ?

Il n’a pas cru devoir envoyer de dépêches à la Société géographique sans avoir la garantie que les renseignements contenus dans ses lettres ne deviendraient pas l’objet d’un profit pécuniaire. Prêt à donner à ses collègues, pour eux-mêmes, toutes les informations qu’il a pu acquérir, il n’entend pas que ses découvertes soient à la disposition de quiconque veut s’enrichir à ses dépens. Un jour il adressa à ladite Société une carte, faite à la hâte pour montrer la route qu’il avait suivie et dont il parlait dans sa dépêche. L’un des membres de l’auguste Compagnie en fit usage comme d’une chose lui appartenant. À son retour Livingstone exprima le désir de corriger cette carte, d’après les rectifications qui avaient eu lieu dans ses calculs. Le géographe lui tourna le dos, et finalement lui répondit, qu’ayant travaillé à sa carte pendant cinq ou six mois, il n’en ferait une autre que si on lui comptait — c’est-à-dire Livingstone — deux cents livres (cinq mille francs) pour sa peine.

En présence de pareils faits, le vieux voyageur a certes le droit