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dit-il avec émotion, en quittant les bords du Nyassa, j’entrais dans une région où le marchand d’esclaves n’avait pas encore pénétré ; et, comme toujours en pareil cas, j’y trouvai des gens réellement hospitaliers, qui me traitèrent du mieux qu’il leur fut possible, et qui, pour une faible rétribution, me portèrent mes bagages de bourgade en bourgade. »

En sortant de cette région hospitalière, ce qui eut lieu au commencement de décembre, le voyageur entra dans une province où les Mazitous avaient exercé leurs rapines. Tout le bétail, toutes les provisions avaient été enlevées, et les habitants avaient émigré au delà des atteintes de ces féroces maraudeurs. L’expédition fut de nouveau assiégée par la faim, n’ayant pour vivre que les fruits sauvages, recueillis çà et là. De nouveaux déserteurs, dont quelques-uns emportèrent le linge et les effets du maître, rendirent la position d’autant plus pénible.

Au milieu de difficultés qui se renouvelaient sans cesse, le docteur traversa le Babisa, le Bobemba, le Baroungou, le Ba-Ouloungou et le Londa.

C’est dans cette dernière province que demeure le fameux Cazembé, dont l’Europe a entendu parler pour la première fois par le docteur Lacerda, voyageur portugais[1].

Cazembé est un homme robuste et de grande taille, surtout un prince des plus intelligents. Il reçut Livingstone avec pompe : vêtu d’une singulière jupe, en étoffe cramoisie[2], à grands ramages, qui parait être son costume d’apparat, et entouré de ses dignitaires et de ses gardes du corps.

Un chef, qui avait reçu du roi, et des Anciens, l’ordre de prendre sur le voyageur le plus de renseignements possibles,

  1. Cazembé est à la fois le nom d’une contrée et l’appellation du chef qui la gouverne. Il va sans dire que le Cazembé de Livingstone n’est pas celui du docteur. Lacerda, visité par ce dernier en 1799, mais son arrière-petit-fils. Bien que très-puissant, Cazembé n’est que le feudataire du Mouata, chef suprême de tout le Londa, connu sous le nom de Matiamvo (Mouata-ya Nro). Ce dernier titre, également héréditaire, désigne non-seulement le grand chef, mais encore tout le royaume. La transmission de ces deux noms pendant une longue période prouve la stabilité du Londa, et partant sa puissance. S’il faut en croire les rapports qui ont été faits à cet égard, l’établissement du premier Cazembé remonterait à près de trois siècles. (Note du traducteur.)
  2. Crimson print, dit le texte. Print, qui signifie imprimé, s’applique ordinairement aux cotonnades. Printry est l’établissement où l’on imprime cottons, dit Bartlett (Dictionnaire des américanismes). Le mot littéral serait donc celui d’indienne ; mais d’après les Arabes, Cazembé aurait une cotte de soie ; et nous avons prudemment employé le mot d’étoffe, qui s’applique à tous les tissus. (Note du traducteur.)