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tion ; elle tient à la vie strictement régulière qu’il a toujours menée. L’ivrognerie et la débauche sont mortelles dans cette partie de l’Afrique.

Un soir je pris mon livre de notes ; et, le questionnant sur son voyage, je me mis en devoir d’écrire ce qui tomberait de ses lèvres. Sans hésiter à me répondre, il me raconta ce qu’il avait fait et enduré depuis six ans ; épreuves et travaux dont voici le résumé.

Le Docteur Livingstone a quitté Zanzibar en mars 1866. Le 7 du mois suivant il partait de la baie de Minkindiny pour l’intérieur de l’Afrique. Il était accompagné de douze cipahis, de neuf Anjouhannais, de sept affranchis et de deux indigènes des bords du Zambèse. Six chameaux, trois buffles, deux mules et trois ânes faisaient partie de la caravane.

Les douze cipahis, qui formaient l’escorte de la bande, étaient pour la plupart munis de carabines d’Enfield que le gouvernement de Bombay avait données au docteur.

Outre les dix balles d’étoffe et les deux sacs de verroterie qui devaient défrayer l’expédition, les porteurs étaient chargés de caisses remplies d’effets, de médicaments, d’instruments de toute espèce, tels que sextant, baromètres, thermomètres, chronomètres, horizon artificiel.

La caravane suivit d’abord la rive gauche de la Rovouma, l’une des routes les plus difficiles qui existent : un sentier errant au travers d’un fourré, dont il cherche les passes les moins impénétrables, sans s’inquiéter de la direction dans laquelle il s’égare ; sentier qu’il fallait élargir. Les porteurs y marchaient sans trop de peine ; mais les chameaux n’y pouvaient faire un pas sans que la cognée leur eût ouvert le chemin. Ce mode de voyage, très-lent par lui-même, le devint d’autant plus que les cipahis et les Anjouhannais s’arrêtaient fréquemment et refusaient de travailler. Peu de temps après le départ, ils avaient commencé à se plaindre, et leur mauvais vouloir, qui se traduisait à chaque instant, eut bientôt recours aux moyens hostiles. Dans l’espérance d’arrêter le voyageur et de le contraindre à revenir sur ses pas, ils traitèrent les animaux avec tant de cruauté que peu de jours après il n’en restait pas un seul. L’expédient n’ayant pas réussi au gré de leurs désirs, ils essayèrent de soulever les indigènes contre l’homme blanc, en l’accusant de pratiques étranges frisant la sorcellerie. Comme l’accusation était dangereuse et qu’elle menaçait d’aboutir, Livingstone jugea convenable de renvoyer les cipahis, ce qu’il