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importante, elle avait assez avancé la question, prouvé assez d’énergie, de persévérance, de dévouement scientifique pour satisfaire une ambition peu commune.

Supposez qu’imitant d’autres voyageurs, Livingstone fût revenu, après la découverte de son premier lac, pour en apporter la nouvelle au monde géographique ; il lui aurait fallu retourner pour en découvrir un autre. Il serait revenu et reparti une seconde fois, puis une troisième, perdant ainsi, en voyages stériles, le temps qu’il a consacré à des études fructueuses. Chaque fois il est vrai, il se serait reposé ; il aurait joui de sa famille et de ses amis, aurait fait un volume sur chacune de ses découvertes, et gagné beaucoup d’argent.

Mais ce n’est pas le récit de quelques mois de recherches qui forme ses livres. Les Explorations dans l’intérieur de l’Afrique[1] embrassent une période de seize années ; celles du Zambèse et de ses affluents en ont duré cinq[2] ; et si le grand voyageur nous revient, son troisième ouvrage contiendra la substance d’un travail de neuf ans.

Ainsi la découverte de trois lacs, reliés entre eux par le même cours d’eau, ne le satisfaisait pas ; il voulait aller jusqu’au bout, et ne revenir qu’après avoir accompli la tâche qu’il avait acceptée. À l’accomplissement de cette tâche, qu’il regardait comme un devoir, à lui seul, il sacrifiait les joies de la famille, son repos, ses aises, les plaisirs, les raffinements de la vie civilisée.

L’héroïsme du Spartiate et l’inflexibilité du Romain se joignent chez lui à la persévérance de l’Anglo-saxon. Ne pas abandonner son œuvre, bien qu’il soupire ardemment après la vue de ceux qu’il aime ; ne pas renoncer à ses obligations tant qu’elles ne seront pas remplies ; ne pas revenir tant qu’il n’aura pas écrit le mot fin, telle est sa résolution quel que soit le sacrifice qu’elle exige.

Mais son principe est de bien faire ; et la conscience qu’il a d’y mettre tous ses efforts, tous ses soins, le rend heureux dans une certaine mesure. Pour la plupart des hommes, un long séjour au milieu de ces tribus sauvages serait quelque chose d’horrible. Livingstone y trouve du plaisir et des sujets d’études philosophiques.

  1. Explorations dans l’intérieur de l’Afrique australe, et voyage à travers le continent, de Saint-Paul de Loanda à l’embouchure du Zambèse, 1840-1856. Paris, librairie Hachette, 1859.
  2. Explorations du Zambèse et de tes affluents, et découverte des lacs Chiroua et Nyassa, 1858-1864. Paris, librairie Hachette, 1866.