Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mes fils, c’est-à-dire le second, a eu un grave accident. Mais son frère Oswald étudie la médecine, et l’on me dit qu’il travaille bien. Agnès, ma fille aînée, a fait avec la famille de sir Parafine Young une promenade sur l’eau qui a été pour elle un grand plaisir. Sir Roderick est en bonne santé, et me dit qu’il m’attend. Vous le voyez, je vous dois une masse de nouvelles. »

Ce n’était pas un rêve ; il était bien là, et ne paraissait pas vouloir partir. Je le regardais constamment pour bien m’en assurer. J’en avais eu si grand’peur pendant tout mon voyage !

« Maintenant, lui dis-je, vous vous demandez sans doute pourquoi je suis venu ?

— C’est vrai, répondit-il ; je ne me l’explique pas. Quand on m’a dit que vous aviez des bateaux, une foule de gens, des bagages en quantité, j’ai cru que vous étiez un officier français, envoyé par votre gouvernement pour remplacer le lieutenant Le Saint, qui est mort à quelques milles de Gondokoro. Je l’ai pensé jusqu’au moment où j’ai vu le drapeau des États-Unis. À vrai dire, j’ai été bien aise de m’être trompé ; car je n’aurais pas pu lui parler français, et s’il n’avait pas connu l’anglais, c’eût été bien triste : deux Européens se rencontrant dans l’Oujiji et ne pouvant se rien dire. Hier, je ne vous ai pas demandé ce qui vous amenait, — discrétion toute naturelle ; — car cela ne me regardait pas.

— Par amour pour vous, répliquai-je en riant, je suis heureux d’être Américain et non pas Français ; au moins nous pouvons nous entendre. J’ai vu que les Arabes en étaient fort surpris. Il n’y a pas besoin de leur dire que les Anglais et les Américains se sont fait la guerre ; qu’il y a entre eux certaines réclamations à propos de l’Alabama, et que nous avons parmi nous des fénians qui vous détestent. Mais sérieusement, docteur, — ne vous effrayez pas, — je courais après vous.

— Après moi ?

— Oui.

— Comment cela ?

— Connaissez-vous le New-York Herald ?

— Qui n’en a pas entendu parler ?

— Eh bien, sans le consentement de son père, sans lui en avoir rien dit, M. James Gordon Bennett, fils du propriétaire de l’Herald, m’a donné la mission de vous chercher, de rapporter, au sujet de vos découvertes, ce qu’il vous plaira de me dire ; et de vous aider de tout mon pouvoir, de toutes mes ressources ; de vous assister dans toute l’étendue de mes moyens.