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Zanzibar est placée à l’extrémité sud-ouest d’une baie, qui forme un croissant ; elle est bornée à l’est par le canal pestilentiel que nous avons cité plus haut. Cette lagune méphitique, appelée Malagash, se termine au sud de la pointe Thangani, à deux cent trente mètres du rivage. Si l’on ouvrait un fossé de dix pieds dans ces deux cent trente mètres, et qu’on donnât au Malagash un peu plus de profondeur, Zanzibar deviendrait une île ; quels merveilleux effets sur la salubrité !

Les consuls, du moins à ce qu’il me semblait, auraient pu suggérer cette œuvre au sultan, et acquérir ainsi le mérite d’avoir concouru à faire de cette ville mortelle l’une des plus saines de la zone équatoriale. Mais, lorsque, peu de jours après mon arrivée, j’exprimai à M. Webb ma surprise de voir des hommes doués d’initiative, imbus des idées de progrès qui caractérisent la race blanche, n’opposer au fléau qu’inertie, le tenir pour incurable et s’abandonner jusqu’à n’être plus que des malades hypocondres, de pâles fantômes, conservant à peine un vestige de cet esprit d’audace qui régit les éléments, voici quelle fut sa réponse :

« Il vous est facile de parler de la sorte ; mais quatre ou cinq ans de séjour dans cette île, parmi ceux qui l’habitent, vous feraient sentir qu’on ne résiste pas à l’influence d’un pareil milieu, et qu’un peu plus tôt, un peu plus tard, les plus forts la subissent. Nous étions tous terriblement énergiques en arrivant ici ; chacun de nous voulait faire marcher les choses comme au pays natal, et s’y est bravement évertué, mais sans rien obtenir : c’était se frapper le front contra un mur. Parlez, expliquez, suppliez, maudissez, vous n’arriverez à rien. Tous ces hommes — Arabes, Banians et Hindis — n’en iront pas plus vite, et vous verrez bientôt que c’est folie de tenter l’impossible. Restez tranquille, ne vous tourmentez pas ; tel est mon conseil, ou vous ne vivrez pas longtemps ici. »

Il y avait malgré cela, dans la ville, trois ou quatre hommes excessivement actifs, qui allaient et venaient à toutes les heures du jour. L’un d’eux était Américain, et n’avait rien perdu de son énergie. Je crois encore entendre claquer son pas rapide sur le pavé qui bordait le consulat, et retentir les yambo qu’il jetait d’une voix vibrante à tous ceux qu’il rencontrait. Il habitait cependant Zanzibar depuis au moins douze ans.

J’en connaissais un autre, un robuste Écossais, aux manières pleines de charmes, simple et loyal en actions comme en paroles, il était là depuis des années, avait eu à subir les dégoûts d’af-